DANS LES RUINES D’UNE ABBAYE
Victor Hugo (1802-85)
DANS LES RUINES D’UNE ABBAYE
Seuls tous deux, ravis, chantants !
Comme on s’aime !
Comme on cueille le printemps
Que Dieu sème !
Quels rires étincelants
Dans ces ombres
Pleines jadis de fronts blancs,
De cœurs sombres !
On est tout frais mariés.
On s’envoie
Les charmants cris variés
De la joie.
Purs ébats mêlés au vent
Qui frissonne !
Gaîtés que le noir couvent
Assaisonne !
On effeuille des jasmins
Sur la pierre
Où l’abbesse joint ses mains
En prière.
Les tombeaux, de croix marqués,
Font partie
De ces jeux, un peu piqués
Par l’ortie.
On se cherche, on se poursuit,
On sent croître
Ton aube, amour, dans la nuit
Du vieux cloître.
On s’en va se becquetant,
On s’adore,
On s’embrasse à chaque instant,
Puis encore,
Sous les piliers, les arceaux,
Et les marbres.
C’est l’histoire des oiseaux
Dans les arbres.In a Ruined Abbey
Just we two, and we sing!
Joy of love!
He sowed, we reap the spring,
God above!
Shades here so tenebrous:
laughter peals!
Paled here so many brows,
sombre souls!
Here we are, new-married:
We let fly
charming cries, all varied:
ecstasy!
Pure frolics in breezes
that shiver!
The dark convent seasons
our pleasure!
Abbess’s two hands join
in stone prayer:
we pluck the white jasmine
twining there.
Marked with a cross, the tombs
take their part
in our innocent games:
nettles smart!
Hide and seek: and we sense
love brings light
to the old cloister, dawns
in its night.
I kiss you, you kiss me,
we adore,
clasping insistently,
and there’s more,
Pillars and arching curves,
effigies.
It’s the tale of the birds
in the trees.Translation: Copyright © Timothy Adès