Pensée de Byron ~ Élégie
Gérard de Nerval (1808-55)
Pensée de Byron ~ Élégie
Par mon amour et ma constance,
J’avais cru fléchir ta rigueur,
Et le souffle de l’espérance
Avait pénétré dans mon cœur ;
Mais le temps, qu’en vain je prolonge,
M’a découvert la vérité,
L’espérance a fui comme un songe…
Et mon amour seul m’est resté !
Il est resté comme un abîme,
Entre ma vie et le bonheur,
Comme un mal dont je suis victime,
Comme un poids jeté sur mon cœur !
Pour fuir le piège où je succombe,
Mes efforts seraient superflus ;
Car l’homme a le pied dans la tombe,
Quand l’espoir ne le soutient plus.
J’aimais à réveiller la lyre,
Et souvent, plein de doux transports,
J’osais, ému par le délire,
En tirer de tendres accords.
Que de fois, en versant les larmes,
J’ai chanté tes divins attraits !
Mes accents étaient pleins de charmes,
Car c’est toi qui les inspirais.
Ce temps n’est plus, et le délire
Ne vient plus animer ma voix ;
Je ne trouve point à ma lyre
Les sons qu’elle avait autrefois.
Dans le chagrin qui le dévore,
Je vois mes beaux jours s’envoler ;
Si mon œil étincelle encore,
C’est qu’une larme va couler !
Brisons la coupe de la vie ;
Sa liqueur n’est que du poison ;
Elle plaisait à ma folie,
Mais elle enivrait ma raison.
Trop longtemps épris d’un vain songe,
Gloire ! amour ! vous eûtes mon cœur :
O Gloire ! tu n’es qu’un mensonge ;
Amour ! tu n’es point le bonheur !Thoughts of Byron ~ Elegy
I thought my love and constancy
Might cause your rigour to relent.
The breeze of sweet expectancy
Had stirred my deepest sentiment.
I let the wasteful months run on
Till they revealed the truth to me:
My hope’s a dream that’s lost and gone,
Only my love remains to me.
My love remains, a cleft profound
Between my life and my content,
An agony, a victim’s wound,
My spirit’s gross impediment.
I’m in the snare and must succumb,
For all exertions are in vain:
A man has one foot in the tomb,
When hope is lacking to sustain.
I loved to re-awake the lyre,
And often full of reveries
I dared, excited by desire,
To bid it play soft harmonies;
And often bitterly I wept
Singing your qualities divine,
Enchantments of a love-adept,
For you inspired those tones of mine.
Those days have vanished now; desire
No longer stirs this voice to sing;
Nor can it conjure on my lyre
Notes of our past, re-echoing.
I see my days of bliss in flight
As gnawing sorrow takes its toll;
And if my eye is sparkling bright,
Know that a tear prepares to fall.
Dash down life’s cup: one bane the less!
Its liquor is the merest poison.
Though it has pleased my wilfulness,
It maddened, with its fumes, my reason.
Too long in futile dreams’ duress
(Glory and Love!) my heart was pent;
But, Glory, you are fraudulent,
And, Love, you are not happiness.Translation: Copyright © Timothy Adès