The Dawn is Alight

L'aurore s'allume

Victor Hugo (1802-85)

L'aurore s'allume
I L’aurore s’allume ; L’ombre épaisse fuit ; Le rêve et la brume Vont où va la nuit ; Paupières et roses S’ouvrent demi-closes ; Du réveil des choses On entend le bruit. Tout chante et murmure, Tout parle à la fois, Fumée et verdure, Les nids et les toits ; Le vent parle aux chênes, L’eau parle aux fontaines ; Toutes les haleines Deviennent des voix ! Tout reprend son âme, L’enfant son hochet, Le foyer sa flamme, Le luth son archet ; Folie ou démence, Dans le monde immense, Chacun. recommence Ce qu’il ébauchait. Qu’on pense ou qu’on aime, Sans cesse agité, Vers un but suprême, Tout vole emporté ; L’esquif cherche un môle, L’abeille un vieux saule, La boussole un pôle, Moi la vérité ! II Vérité profonde ! Granit éprouvé Qu’au fond de toute onde Mon ancre a trouvé ! De ce monde sombre, Où passent dans l’ombre Des songes sans nombre, Plafond et pavé ! Vérité, beau fleuve Que rien ne tarit ! Source où tout s’abreuve, Tige où tout fleurit ! Lampe que Dieu pose Près de toute cause ! Clarté que la chose Envoie à l’esprit ! Arbre à rude écorce, Chêne au vaste front, Que selon sa force L’homme ploie ou rompt, D’où l’ombre s’épanche ; Où chacun se penche, L’un sur une branche, L’autre sur le tronc ! Mont d’où tout ruisselle ! Gouffre où tout s’en va ! Sublime étincelle Que fait Jéhova ! Rayon qu’on blasphème ! Oeil calme et suprême Qu’au front de Dieu même L’homme un jour creva ! III Ô Terre ! ô merveilles Dont l’éclat joyeux Emplit nos oreilles, Eblouit nos yeux ! Bords où meurt la vague, Bois qu’un souffle élague, De l’horizon vague Plis mystérieux ! Azur dont se voile L’eau du gouffre amer, Quand, laissant ma voile Fuir au gré de l’air, Penché sur la lame, J’écoute avec l’âme Cet épithalame Que chante la mer ! Azur non moins tendre Du ciel qui sourit Quand, tâchant d’entendre Je cherche, ô nature, Ce que dit l’esprit, La parole obscure Que le vent murmure, Que l’étoile écrit ! Création pure ! Etre universel ! Océan, ceinture De tout sous le ciel ! Astres que fait naître Le souffle du maître, Fleurs où Dieu peut-être Cueille quelque miel ! Ô champs ! ô feuillages ! Monde fraternel ! Clocher des villages Humble et solennel ! Mont qui portes l’aire ! Aube fraîche et claire, Sourire éphémère De l’astre éternel ! N’êtes-vous qu’un livre, Sans fin ni milieu, Où chacun pour vivre Cherche à lire un peu ! Phrase si profonde Qu’en vain on la sonde ! L’oeil y voit un monde, L’âme y trouve un Dieu ! Beau livre qu’achèvent Les coeurs ingénus ; Où les penseurs rêvent Des sens inconnus ; Où ceux que Dieu charge D’un front vaste et large Ecrivent en marge : Nous sommes venus ! Saint livre où la voile Qui flotte en tous lieux, Saint livre où l’étoile Qui rayonne aux yeux, Ne trace, ô mystère ! Qu’un nom solitaire, Qu’un nom sur la terre, Qu’un nom dans les cieux ! Livre salutaire Où le cour s’emplit ! Où tout sage austère Travaille et pâlit ! Dont le sens rebelle Parfois se révèle ! Pythagore épèle Et Moïse lit !
The Dawn is Alight
I The dawn is alight; Thick shadows desist; The dream and the mist Are fled with the night. Each eyelid and rose Half open, half close: All’s waking around, We hark to the sound. The song and the murmur As everything chatters, The smoke and the verdure, Nests, rooftops: all noises! The oaks hear the breeze, The springs hear the waters, And each thing that breathes Will turn into voices. The spirit returns: Loud toy to the child, The hearth again burns, The bow’s on the viol. The world so immense, Wild incontinence, All things recommence Their deeds of erstwhile. By thought or by love We ceaselessly move Towards a great goal, And soar up above. The skiff seeks a mole, The bee a safe hole, The compass a pole; The Truth is my love! II The truth, the profound, Well-tried granite ground My anchor has found Beneath any wave; This world sad and sombre Where dreams beyond number In shadows abound, High vault and low pave! Truth, clear watercourse That never is sullied! The life-giving source, The stalk ever florid! Lamp God will dispose To light every cause, The radiance that goes From matter to spirit! The tree of rough bark, The oak of broad brow, We bend it or break, As strength may allow. In that spreading shade We lean and have laid Ourselves on the trunk, Or lulled on the bough! High torrents that teem! Devouring abysses! The sparkle sublime Jehovah devises! The ray we blaspheme! Eye calm and supreme, By man scarred and scored On the brow of the Lord! III O wonders of earth Whose joyful surprise Resounds in our ears, Bedazzles our eyes! Shores where the wave dies, Woods pruned by the breeze, Mysterious plies Of vague distances! Azure are the veils Of the sea-chasm’s brine: I set free my veils, Winds’ toy, they are gone. On a billow I lean And hear with my spirit A wedding-refrain, The sea sings, I hear it! Azure no less tender Of genial sky, When, keen to discover, O Nature! I try: The spirit may utter The watchword obscure, The word the winds whisper, That’s writ by the star! Unsullied creation! Totality, living! Great girdle, the ocean Of all below heaven! The stars, generation Of God the Lord’s breathing, The flowers, occasion Of God’s honey-reaping! O foliage, fields, O brotherly world! O village church-bells, Sincere and unspoiled! The eyrie high-hurled! Clear daybreak that chills! The star of brief smiles That never grows old! Mere book with no end, Maybe, and no middle, For life we intend To read you, a little! A phrase so profound, Depth no-one can sound, World seen by the pupil, God by the soul found! Fine book that is wrought By innocent hearts, Where pondering starts New vision, new thought: Where those whom God gave A great and broad brow In the margin engrave: ‘We came, here and now!’ Blest book where the veil That everywhere flies, Blest book where the star That shines in our eyes, Finds, wondrous to tell, One name and no more, One name on earth’s ball, One name in the skies! The life-giving page Where all hearts are feeding! Where each austere sage Toils nobly, and pales! Whose meaning rebels And, timely, reveals! Pythagoras spells, And Moses is reading!
Published in Long Poem Magazine 32, Winter 2024

Translation: Copyright © Timothy Adès

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