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La Belle Que Voilà / That Lovely Woman
Robert Desnos (1900-45)
quand l’âge aura flétri ces yeux et cette bouche
quand trop de souvenirs alourdiront ce cœur
quand il ne restera pour bercer dans sa couche
ce corps aujourd’hui beau que des spectres moqueurs
quand la poussière infecte en recouvrant les choses
vêtira d’un linceul les désirs abolis
quand l’amour plus fané qu’en un livre une rose
ne sera plus qu’un nom sous des portraits pâlis
quand il sera trop tard pour n’être plus cruelle
quand l’écho des baisers et l’écho des serments
Décroîtront comme un pas la nuit dans une ruelle
ou le sifflet d’un train vers le noir firmament
quand sur les seins pendants le ventre qui se ride
Les mains aux doigts séchés durcies par les passions
Et lasses d’essuyer trop de larmes acides
Referont le bilan de leur dégradation
quad nul fard ne pourra mentir à ce visage
S’il se penche au miroir jadis trop complaisant
Pour se désaltérer comme au lac d’un mirage
Aux rêves du passé revécus au présent
La belle que voilà restera belle encore
Par la vertu d’un feu reflété constamment
aux vitres d’un château dont les salles sonores
seront hantées par ceux qui furent ses amants
La belle que voilà ainsi qu’une fontaine
Dont le flot toujours pur sur les marbres disjoints
S’écoule en entraînant d’ineffables sirènes
Pour perdre sa splendeur ne renoncera point
Rien ne disparaîtra des ciels qui se reflètent
Malgré la peau fripée et malgré les reins plats
Restera jalousée et présente à la fête
Jeune éternellement la belle que voilà
Tant de cœurs ont battu jadis à son attente
qu’une flamme est enclose en ce corps sans raison
qu’indigne de ces feux elle reste éclatante
Ainsi qu’à l’incendie survivent les tisons.
From Destinée Arbitraire
copyright © Éditions Gallimard 1963
La Belle Que Voilà / That Lovely Woman
When age shall make those lips and eyes grow pale
When the heart’s burdened down by memories
And when to lull those limbs now beautiful
None shall be left but ghosts that jeer and tease,
When filthy dust that covers all shall clothe
And fold in shrouds desire’s abolished flame
When love as wilted as a dry–pressed rose
Shall hook on faded photographs its name
When it will be too late to make us kind
When echoes of each kiss and vow shall die
Like footsteps dwindling in a darkened wynd
Or a train whistling to the midnight sky
When hands that passion rendered dry and hard
By wrinkled abdomen and dangling teat
Weary of wiping all those acid tears
Shall check their degradation’s balance–sheet
When no cosmetic can deceive this face
That leans towards a long–complaisant glass
As if to drink from a cool mirage–lake
Dreams that the present borrows from the past
That lovely woman shall be lovely still
By virtue of a fire that plays and plays
On windows of great echoing rooms, that will
Be haunted by her loves of bygone days
That lovely woman like a fountainhead
Streaming on slabs of marble always pure
By all her siren–train accompanied
Shall not renounce her glory evermore
Nor shall she vanish from reflected skies
Though loins are flattened skin is loosely hung
She shall go feasting, watched by envious eyes
That woman lovely and for ever young
So many hearts once in attendance beat
That in her limbs an unreal flame is sheathed.
Rising above its fires she dazzles yet,
A poker in a burnt–out house, unscathed.Published in Acumen Literary Journal
Translation: Copyright © Timothy Adès