L’Étranger
René François Armand Sully-Prudhomme (1839-1907)
L’Étranger
Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ?
Ton coeur ne trouve rien qui l'enchaîne ou ravisse,
Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse :
Il semble qu'un bonheur infini te soit dû.
Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ?
A quelle auguste cause as-tu rendu service ?
Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice,
Quelle est ta beauté propre et ta propre vertu ?
A mes vagues regrets d'un ciel que j'imagine,
A mes dégoûts divins, il faut une origine :
Vainement je la cherche en mon coeur de limon ;
Et, moi-même étonné des douleurs que j'exprime,
J'écoute en moi pleurer un étranger sublime
Qui m'a toujours caché sa patrie et son nom.The Stranger
I often ask myself: What breed are you?
Your heart remains unravished, unenslaved;
There’s nothing that your thoughts and senses craved;
Eternal happiness must be your due.
And yet, what paradise did you forego?
What worthy cause have you done service to?
Confined to vice and squalor here below,
What’s your own beauty and your own virtue?
My longing for some heaven, my divine
Uneasiness, must have some origin;
I seek it vainly in my turbid heart.
Amazed at my pathetic litany,
I hear a noble stranger weep in me,
Who won’t his country, or his name, impart.Translation: Copyright © Timothy Adès