Si morne!
Émile Verhaeren (1855-1916)
Si morne!
Se replier toujours sur soi-même, si morne !
Comme un drap lourd, qu'aucun dessin de fleur n'adorne.
Se replier, s'appesantir et se tasser
Et se toujours, en angles noirs et mats, casser.
Si morne ! et se toujours interdire l'envie
De tailler en drapeaux l'étoffe de sa vie.
Tapir entre les plis ses mauvaises fureurs
Et ses rancœurs et ses douleurs et ses erreurs.
Ni les frissons soyeux, ni les moires fondantes
Mais les pointes en soi des épingles ardentes.
Oh ! le paquet qu'on pousse ou qu'on jette à l'écart,
Si morne et lourd, sur un rayon, dans un bazar.
Déjà sentir la bouche âcre des moisissures
Gluer, et les taches s'étendre en leurs morsures.
Pourrir, immensément emmaillotté d'ennui ;
Être l'ennui qui se replie en de la nuit.
Tandis que lentement, dans les laines ourdies,
De part en part, mordent les vers des maladies.How Grim!
Always enfolding on oneself, how grim!
Like unadorned non-floral heavy bedding,
Enfolding, being weighted down, subsiding,
Fragmenting into sharp points, black and dim.
How grim! And to inhibit one’s desire
Of cutting up life’s cloth in strips for banners,
To hide within the folds one’s evil fires,
One’s sorrows and one’s errors and one’s rancours.
No silken shivers and no melting moire:
The points of red-hot pins within one’s core,
The packet pushed or shovelled to the floor,
Grim, heavy, on a shelf in a bazaar.
To sense the mould now acrid in the mouth,
The sticky stains that spread from tooth to tooth,
To rot, immensely swaddled in ennui,
To be the ennui enfolded in the night,
While slowly in the wool-warp’s devilry,
Through everywhere, the worms of sickness bite.Translation: Copyright © Timothy Adès