Le Pont du Nord
Le Pont du Nord (as sung by Germaine Montéro)
Pierre Mac Orlan (1882-1970)
Le Pont du Nord (as sung by Germaine Montéro)
Je n’ai pas pu payer ma taule.
Je dois deux semain’s et ma clé
N’ouvrira plus la rue des Saules:
Ainsi l’a voulu le taulier.
La neige tomb’, c’est grand’ vacherie
Dans l’ciel, sur la terre et sur moi.
Le froid mord dans mes joues maigries
Et me ronge le bout des doigts.
Ma mèr’ m’a dit, il y a longtemps,
— «C'est sur le Pont du Nord qu’Adèle
Ta soeur aînée a foutu l'camp
Pour danser la java rebelle
Loin des conseils de ses parents.
C’est là qu’ell’ perdit sa ceinture,
La vie et l’air de la chanson.
Les Rabouin’s, la Bonne Aventure,
Tout ça c’est de l’accordéon.»
Quand ma mère eut fermé la bouche,
Mon premier soin, ru’ Durantin,
Fut d’aborder une Manouche.
On peut dir’ qu’elle tombait bien.
Sa jupe à volants était mûre;
Elle a regardé dans ma main
Et m’a dit la Bonne Aventure
Devant la port’ d’un marchand d’vin.
—«Tu seras marié pour toujours
Avant que la lune se couche
Dans la lumièr’ du petit jour
Tout d'suite après ta premièr’ touche:
Car c’est ainsi que naît l’amour.
Tu me paieras à la prochaine…
Es-tu rassuré’ sur ton sort ?
Il est au bout du Pont des Peines,
Autrement dit le Pont du Nord. »
— «Monsieur, demandai-je à tout l'monde,
Où se trouve le Pont du Nord?»
Les uns disaient: Au bout du monde
Et d’autres: Au bout du corridor.
Dans les neiges indifférentes
J’ai aperçu le pont brumeux.
Il n’avait pas de main-courante
Et frôlait le fleuve et les cieux.
Le vent, tel un homme en folie,
Bouscula les points cardinaux;
Et la neige fondit en pluie
Pour mieux vous refroidir les os.
Et la chair promise au tombeau
La fille aperçut-elle un signe
Qui lui fit entrevoir les corps
Des mal marié's à la dérive ?…
Ce n'est plus de notre ressort.
Le Pont du Nord
Can’t pay my rent. Two weeks behind.
My key won’t open Rue des Saules:
The landlord’s wish, he isn’t kind.
It’s snowing, snowing wretchedly
On earth, on heaven, and on me.
On my thin cheeks the snowflakes fall:
The cold bites into them, and nips
And gnaws my frozen finger-tips.
My mother told me long ago
‘Le Pont du Nord is where Adèle,
Your elder sister, went awol
And whooped it up, a ne’er-do-well,
Far from her parents’ good advice.
She lost her belt, she lost the tune,
Her life and luck and good fortune:
Drop-outs and chancers, no-one nice,
Sad song, cheap music, rotten show.’
Soon as my mam had turned it up,
My first requirement was to step
To Gypsy Rose, rue Durantin,
A palmist, doing rather well:
The skirts she wore were flounced and full.
She read my hand, my fate and all
My future and my fortune in
The doorway of a bottle-shop.
'Before the setting of the moon
You shall be wed for ever more
At the first light of early dawn,
As soon as you’ve embarked on your…
For that’s the way that love is born.
Pay me next time. I reassure
My clients: all you hear is gain.
You’ll need to cross the Bridge of Pain
That’s also called Le Pont du Nord.’
I asked if anyone could say
Where I might find the Pont du Nord.
Some said: it’s half the world away,
Some said: it’s down the corridor.
The snow just fell without a thought.
I saw the bridge in misty guise:
No handrail, no police report,
It skimmed the river and the skies.
The wind was like a man insane:
The compass-points were all assailed.
The snow was melting into rain,
By which your bones are truly chilled.
The flesh is promised to the tomb.
Did the girl see by any chance
A sign that let her glimpse the doom
Of brides in sad mésalliance?
That’s now beyond our competence.
Translation: Copyright © Timothy Adès
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Fairies’ Moonlight
Raymond Genty (1881-1950)
Féerie au clair de lune
as adapted by the composer Dutilleux
Un grillon fait un signal
Sur un timbre de cristal
Et dans la pénombre chaude
Où les parfums sont grisants,
La rampe des vers luisants
S’allume, vert émeraude.
Un ballet de moucherons
Tourne, glisse, fait des ronds
Tourne, glisse, fait des ronds
Dans la lumière changeante.
Un grand papillon de nuit
Passe en agitant sans bruit
Son éventail qui s’argente.
Les parfums des grands lys blancs
Montent plus forts, plus troublants,
Dans cette ombre où l’on conspire.
Mais dans cette ombre il y a
Obéron, il y a Titania,
Il y a du Shakespeare.
Les moustiques éveillés
Bruissent autour des œillets
Tout baignés de crépuscule;
Acteurs lilliputiens,
Chorégraphes aériens,
Mille insectes verts et bleus,
Mille insectes merveilleux
Tournent autour des œillets
Et font une ronde effrénée.
Puis, ayant tourné longtemps
Sous les roseaux des étangs,
Sous le hêtre et sous l’yeuse,
Les petits danseurs ailés
Soudain se sont en allés
Dans l’ombre mystérieuse.
Tout se tait. Seul, par moment,
Le léger sautillement
D’une oiselle à longue queue.
Puis, plus rien, plus aucun bruit,
Il n’y a plus que la nuit
Magnifique, immense et bleue.
Fairies’ Moonlight
A cricket gives a signal
striking a bell of crystal
and in the warm half-light
of enervating fragrance
the fireflies’ rack of lanterns
flares, emerald, alight.
Ballet-dancing midges
go turning, gliding, circling
go turning, gliding, circling
in inconstant light.
a great night butterfly
noiselessly passes by
shaking his silver fan.
The great white lilies’ odour
ascends, more troubling, louder,
in this conspiring shadow.
But in this shadow are
Oberon, Titania,
here we have Shakespeare.
Mosquitoes awaken,
buzz round the carnations
that twilight imbues;
airborne Lilliputians,
stage Terpsichoreans,
the greens and the blues,
a marvellous thousand
small insects revolving
around the carnations
in frantic rotation.
Then, after long whirling
in pond-reeds and ivy
and under dwarf oak,
the little winged dancers
are suddenly gone
in mysterious dark.
All’s quiet. But hold hard:
long-tailed little bird,
hop-hopping, so light.
Then nothing, no sound,
but blue and profound
magnificent night.
Translation: Copyright © Timothy Adès
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L’Adieu / Farewell
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens–t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens–toi que je t’attends
L’Adieu / Farewell
I’ve plucked this sprig of heather
You know that autumn died
We’Il be no more together
Season and sprig of heather
You know for you I’ll bide
Translation: Copyright © Timothy Adès
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Drill
Exercice
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Exercice
Vers un village de l’arrière
S’en allaient quatre bombardiers
Ils étaient couverts de poussière
Depuis la tête jusqu’aux pieds
Ils regardaient la vaste plaine
En parlant entre eux du passé
Et ne se retournaient qu’à peine
Quand un obus avait toussé
Tous quatre de la classe seize
Parlaient d’antan non d’avenir
Ainsi se prolongeait l’ascèse
Qui les exerçait à mourir
from Calligrammes
Drill
Four men were making their way to the rear
Each of the four was a bombardier
Back to a village, they’d been stood down
Covered in dust from toe to crown.
They looked at the plain and it was vast
And they were talking about the past.
They talked about the past so well
They hardly turned round at the crump of a shell.
Not for them was the future, this class of ’16.
Their talk of the past and how it had been
Was the working out of a discipline
That ground them down till it grubbed them in.
Translation: Copyright © Timothy Adès
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The Second Druid Declaims
From L’Enchanteur Pourrissant (a play)
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
From L’Enchanteur Pourrissant (a play)
Ils laissent en mourant, des divinités fausses
Et d’eux ne reste au ciel qu’une étoile de plomb.
Les lions de Moriane ont rugi dans leurs fosses,
Les aigles de leur bec ont troué l’aquilon.
Et voyant, loin, la ville en hachis de lumière,
Croyant voir, sur le sol, un soleil écrasé,
Éblouis, ont baissé leur seconde paupière;
Ah! Détruis, vrai soleil, ce qui fut embrasé.
The Second Druid Declaims
They die, and leave false deities behind;
The sky retains a leaden star, no more.
The skulking lions of Morian raised a roar,
And beaks of eagles pierced the cold North Wind.
Far off they saw the city hatched with light,
And, crashed to earth, what seemed a shattered sun.
Dazzled, they closed their eye, the second one.
True sun, destroy! Destroy what glowed so bright!
Translation: Copyright © Timothy Adès
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The Dromedary
Le Dromadaire
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Le Dromadaire
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d’Alfaroubeira
courut le monde et l’admira.
Il fit ce que je voudrais faire
si j’avais quatre dromadaires.
The Dromedary
With dromedaries four
Don Pedro d’Alfaroubeira
admired the world on a rapid tour:
and I’d be a happy wayfarer
if I had dromedaries four.
Translation: Copyright © Timothy Adès
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The Seasons
Les Saisons
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Les Saisons
C’était un temps béni nous étions sur les plages
Va-t’en de bon matin pieds nus et sans chapeau
Et vite comme va la langue d’un crapaud
L’amour blessait au coeur les fous comme les sages
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était militaire
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était artiflot
À la guerre
C’était un temps béni Le temps du vaguemestre
On est bien plus serré que dans les autobus
Et des astres passaient que singeaient les obus
Quand dans la nuit survint la batterie équestre
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était militaire
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était artiflot
À la guerre
C’était un temps béni Jours vagues et nuits vagues
Les marmites donnaient aux rondins des cagnats
Quelque aluminium où tu t’ingénias
À limer jusqu’au soir d’invraisemblables bagues
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était militaire
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était artiflot
À la guerre
C’était un temps béni La guerre continue
Les Servants ont limé la bague au long des mois
Le Conducteur écoute abrité dans les bois
La chanson que répète une étoile inconnue
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était militaire
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était artiflot
À la guerre
The Seasons
Those were the days! with bare feet and no hat
On the beach in the morning, a blessing bestowed
When Love like the flickering tongue of a toad
Struck the wise and the witless and struck to the heart
Did you know Galloping Guy
Guy in the Army the Fighting Forces
Gunnery Guy in the horse artillery
During the War?
Those were the days of the baggage-master
Who packed us all in like a bus-conductor
At night when the gunners came up with their horses
The salvoes frazzled the stars in their courses
Did you know Galloping Guy
Guy in the Army the Fighting Forces
Gunnery Guy in the horse artillery
During the War?
Those were the days and the nights you could tell
Shells over our shelters were raining things
Aluminium fell from each crump of a shell
We filed and we polished improbable rings
Did you know Galloping Guy
Guy in the Army the Fighting Forces
Gunnery Guy in the horse artillery
During the War?
Those were the days we kept on with the War
The Gunners were filing and polishing rings
The Boss in the woods heard the voice that sings
The carefree song of an unknown star
Did you know Galloping Guy
Guy in the Army the Fighting Forces
Gunnery Guy in the horse artillery
During the War?
Translation: Copyright © Timothy Adès
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Carnival
FÊTE
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
FÊTE
Feu d'artifice en acier
Qu'il est charmant cet éclairage
Artifice d'artificier
Mêler quelque grace au courage
Deux fusants rose éclatement
Comme deux seins que l'on dégrafe
Tendent leurs bouts insolemment
IL SUT AIMER quelle épitaphe
Un poète dans la forêt
Regarde avec indifférence
Son revolver au cran d'arrêt
Des roses mourir d'espérance
Il songe aux roses de Saadi
Et soudain sa tête se penche
Car une rose lui redit
La molle courbe d'une hanche
L'air est plein, d'un terrible alcool
Filtré des étoiles mi-closes
Les obus caressent le mol
Parfum nocturne où tu reposes
Mortification des roses
Carnival
Fireworks filigreed in steel
Very pretty lighting this
Artificer’s artifice
Courage gets a touch of style
Starburst rockets rosy pair
Like a bared and spilling bust
Pout their points up shameless there
‘QUITE SOME LOVER’ now he’s dust
Poet in the forest looked
Two things he’s indifferent
His revolver isn’t cocked
Roses died too confident
Saadi’s roses in his mind
See his head go down inclined
When a rose reminds him of
Someone’s soft posterior curve
One-eyed stars the air is filled
By foul gases they’ve distilled
Alcohols that rot the sky.
Soft night’s perfume is caressed
By explosions where you rest
That’s how roses mortify
Translation: Copyright © Timothy Adès
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Clotilde
Clotilde
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Clotilde
L'anémone et l'ancolie
ont poussé dans le jardin
où dort la mélancolie
entre l'amour et le dédain
Il y vient aussi nos ombres
que la nuit dissipera
le soleil qui les rend sombres
avec elles disparaîtra
Les déités des eaux vives
laissent couler leur longs cheveux
passe il faut que tu poursuives
cette belle ombre que tu veux
Clotilde
Columbine, anemone:
in the garden both have grown.
Love accompanies disdain,
melancholy sleeps between.
Yes and here our shadows come
which the night shall take away
and the sun that darkens them
soon shall vanish as shall they.
Living waters’ deities
letting loose their flowing hair.
Lovely shadow you must chase,
chase the shadow you desire.
Translation: Copyright © Timothy Adès
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Hunting-Horns
Cors de chasse (Alcools, 1913)
Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Cors de chasse (Alcools, 1913)
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d’un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent
Ne rend notre amour pathétique
Et Thomas de Quincey buvant
L’opium poison doux et chaste
À sa pauvre Anne allait rêvant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
Hunting-Horns
Our history is grand and tragic
Like a dictator’s public phiz:
No drama hazardous or magic,
No pointless trivialities,
Can bring down pity on our love.
Thomas de Quincey, prone to quaff
Opium, poison sweet and pure,
Went dreaming to his Anne, poor lass.
Then let us pass, for all things pass:
I shall be back again for more.
They’re hunting-horns, our memories:
And on the wind their echo dies.
Translation: Copyright © Timothy Adès
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