George And Jean (How to be a Grandfather)

Georges Et Jeanne (L’Art d’être Grand-Père)

Victor Hugo (1802-85)

Georges Et Jeanne (L’Art d’être Grand-Père)
Moi qu'un petit enfant rend tout à fait stupide, J'en ai deux; George et Jeanne; et je prends l'un pour guide Et l'autre pour lumière, et j'accours à leur voix, Vu que George a deux ans et que Jeanne a dix mois. Leurs essais d'exister sont divinement gauches; On croit, dans leur parole où tremblent des ébauches, Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit; Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit, Moi dont le destin pâle et froid se décolore, J'ai l'attendrissement de dire: Ils sont l'aurore. Leur dialogue obscur m'ouvre des horizons; Ils s'entendent entr'eux, se donnent leurs raisons. Jugez comme cela disperse mes pensées. En moi, désirs, projets, les choses insensées, Les choses sages, tout, à leur tendre lueur, Tombe, et je ne suis plus qu'un bonhomme rêveur. Je ne sens plus la trouble et secrète secousse Du mal qui nous attire et du sort qui nous pousse. Les enfants chancelants sont nos meilleurs appuis. Je les regarde, et puis je les écoute, et puis Je suis bon, et mon coeur s'apaise en leur présence; J'accepte les conseils sacrés de l'innocence, Je fus toute ma vie ainsi; je n'ai jamais Rien connu, dans les deuils comme sur les sommets, De plus doux que l'oubli qui nous envahit l'âme Devant les êtres purs d'où monte une humble flamme; Je contemple, en nos temps souvent noirs et ternis, Ce point du jour qui sort des berceaux et des nids. Le soir je vais les voir dormir. Sur leurs fronts calmes. Je distingue ébloui l'ombre que font les palmes Et comme une clarté d'étoile à son lever, Et je me dis: À quoi peuvent-ils donc rêver ? Georges songe aux gâteaux, aux beaux jouets étranges, Au chien, au coq, au chat; et Jeanne pense aux anges. Puis, au réveil, leurs yeux s'ouvrent, pleins de rayons. Ils arrivent, hélas! à l'heure où nous fuyons. Ils jasent. Parlent-ils ? Oui, comme la fleur parle A la source des bois; comme leur père Charle, Enfant, parlait jadis à leur tante Dédé; Comme je vous parlais, de soleil inondé, mes frères, au temps où mon père, jeune homme, Nous regardait jouer dans la caserne, à Rome, A cheval sur sa grande épée, et tout petits. Jeanne qui dans les yeux a le myosotis, Et qui, pour saisir l'ombre entr'ouvrant ses doigts frêles, N'a presque pas de bras ayant encor des ailes, Jeanne harangue, avec des chants où flotte un mot, Georges beau comme un dieu qui serait un marmot. Ce n'est pas la parole, ô ciel bleu, c'est le verbe; C'est la langue infinie, innocente et superbe Que soupirent les vents, les forêts et les flots; Les pilotes Jason, Palinure et Typhlos Entendaient la sirène avec cette voix douce Murmurer l'hymne obscur que l'eau profonde émousse; C'est la musique éparse au fond du mois de mai Qui fait que l'un dit: J'aime, et l'autre, hélas: J'aimai; C'est le langage vague et lumineux des êtres Nouveau-nés, que la vie attire à ses fenêtres, Et qui, devant avril, éperdus, hésitants, Bourdonnent à la vitre immense du printemps. Ces mots mystérieux que Jeanne dit à George, C'est l'idylle du cygne avec le rouge-gorge, Ce sont les questions que les abeilles font, Et que le lys naïf pose au moineau profond; C'est ce dessous divin de la vaste harmonie, Le chuchotement, l'ombre ineffable et bénie Jasant, balbutiant des bruits de vision, Et peut-être donnant une explication; Car les petits enfants étaient hier encore Dans le ciel, et savaient ce que la terre ignore. Jeanne! Georges! voix dont j'ai le cœur saisi ! Si les astres chantaient, ils bégaieraient ainsi. Leur front tourné vers nous nous éclaire et nous dore. Oh ! d'où venez-vous donc, inconnus qu'on adore ? Jeanne a l'air étonné; Georges a les yeux hardis. Ils trébuchent, encore ivres du paradis.
George And Jean (How to be a Grandfather)
A child makes me a stupid ass: In George and Jean I have a brace. One is my guide and one my star. I run to where their voices are; Jean is ten months and George is two, Divinely gauche in all they do; And when they try to speak, we seem To sense a passing, holy dream. I who am evening, I the night, Pale, cold, and doomed to fade from sight, Call them, with love, the dawning light. Their riddling speech expands my brain, As they confer, concur, explain. My thoughts are disarranged, dispersed: My hopes, my plans, the best, the worst, Collapse in their relaxing glow, And I’m a star-struck so-and-so. Sin’s lure, and our appointed lot, May jolt and jar, but touch me not. The tottering child’s our safest prop. I watch, and listen, and I stop Worrying: I am good, and nice, Take innocence’s pure advice. I’ve always done so; I’ve not known, Whether elated or cast down, Sweetness to match our blissful dream At a pure being’s humble flame: Thus, in our black and tarnished times, From nests and cradles, daylight climbs. * I watch them sleep. Their brows are calm, Part shaded by a tiny palm, Part brighter than a rising star. I wonder what their visions are: George dreams of cakes, of wondrous toys, The dog, cat, cockerel; Jean enjoys Her angels. Then they waken, smiling. They reach us just as we are failing. They babble: they are chattering, As woodland flower to limpid spring, As Charles their father used to do With their Aunt Adela, long ago; As I with you in sunny Rome, Dear brothers! at our father’s home, The barracks: as he watched, we rode, Playing at gee-gees, on his sword. Jean’s eyes, forget-me-nots of sight! Frail fingers, splayed to hold the night! Her arms, two wings for angel-flight! Songs, almost wordless, recondite, For handsome George, the favoured mite. No language this, but infinite Reason, as innocent and noble As winds’ and waves’ and forests’ burble. Jason and Palinurus heard The siren softly speak this word, Dark music by deep water blurred; May-music, such that, strangely moved, We say ‘I love’, or ‘Once I loved’: The vague translucent speech that spills From infants at Life’s window-sills, Who baulk at April, at a loss, And hum and buzz at Spring’s great glass. These mystic words of George and Jean! Poems of the robin and the swan, Queries of bumble-bees, a silly Quiz to wise sparrows from the lily; The bass-note of God’s harmony, Vast, whispering, awesome sanctity, Murmuring, stammering reverie, Which may enlighten you and me: For little ones, a day ago, Were still in heaven, and they know Much more than we do, here below. Jean! George! I love those chirps of yours, Uncertain as the songs of stars! We’re lightened, brightened by their glance: Loved strangers, what’s your provenance? Jean gapes, and George has fearless eyes: They lurch, still drunk on paradise.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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The Djinns

Victor Hugo - Les Djinns Translated by Cloudesley Brereton

Victor Hugo (1802-85)

Translation 1913 by Cloudesley Brereton, discovered by Timothy Adès.
Victor Hugo - Les Djinns Translated by Cloudesley Brereton
E com i gru van cantando lor lai Facendo in aer di se lunga riga, Cosi vid’io venir traendo guai Ombre portate dalla detta briga. - Dante Murs, ville Et port, Asile De mort, Mer grise Où brise La brise, Tout dort. Dans la plaine Naît un bruit. C'est l'haleine De la nuit. Elle brame Comme une âme Qu'une flamme Toujours suit ! La voix plus haute Semble un grelot. D'un nain qui saute C'est le galop. Il fuit, s'élance, Puis en cadence Sur un pied danse Au bout d'un flot. La rumeur approche. L'écho la redit. C'est comme la cloche D'un couvent maudit ; Comme un bruit de foule, Qui tonne et qui roule, Et tantôt s'écroule, Et tantôt grandit, Dieu ! la voix sépulcrale Des Djinns !... Quel bruit ils font ! Fuyons sous la spirale De l'escalier profond. Déjà, s'éteint ma lampe, Et l'ombre de la rampe, Qui le long du mur rampe, Monte jusqu'au plafond. C'est l'essaim des Djinns qui passe, Et tourbillonne en sifflant ! Les ifs, que leur vol fracasse, Craquent comme un pin brûlant. Leur troupeau, lourd et rapide, Volant dans l'espace vide, Semble un nuage livide Qui porte un éclair au flanc. Ils sont tout près ! — Tenons fermée Cette salle, où nous les narguons. Quel bruit dehors ! Hideuse armée De vampires et de dragons ! La poutre du toit descellée Ploie ainsi qu'une herbe mouillée, Et la vieille porte rouillée Tremble, à déraciner ses gonds ! Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure ! L'horrible essaim, poussé par l'aquilon, Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure. Le mur fléchit sous le noir bataillon. La maison crie et chancelle, penchée, Et l'on dirait que, du sol arrachée, Ainsi qu'il chasse une feuille séchée, Le vent la roule avec leur tourbillon. Prophète ! si ta main me sauve De ces impurs démons des soirs, J'irai prosterner mon front chauve Devant tes sacrés encensoirs ! Fais que sur ces portes fidèles Meure leur souffle d'étincelles, Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes Grince et crie à ces vitraux noirs ! Ils sont passés ! — Leur cohorte S'envole, et fuit, et leurs pieds Cessent de battre ma porte De leurs coups multipliés. L'air est plein d'un bruit de chaînes, Et dans les forêts prochaines Frissonnent tous les grands chênes, Sous leur vol de feu pliés ! De leurs ailes lointaines Le battement décroît, Si confus dans les plaines, Si faible, que l'on croit Ouïr la sauterelle Crier d'une voix grêle, Ou pétiller la grêle Sur le plomb d'un vieux toit. D'étranges syllabes Nous viennent encor ; Ainsi, des Arabes Quand sonne le cor, Un chant sur la grève Par instants s'élève Et l'enfant qui rêve Fait des rêves d'or. Les Djinns funèbres, Fils du trépas, Dans les ténèbres Pressent leurs pas ; Leur essaim gronde ; Ainsi, profonde, Murmure une onde Qu'on ne voit pas. Ce bruit vague Qui s'endort, C'est la vague Sur le bord ; C'est la plainte, Presque éteinte, D'une sainte Pour un mort. On doute La nuit... J'écoute : — Tout fuit, Tout passe ; L'espace Efface Le bruit. https://www.youtube.com/watch?v=5ZZCsrMixOg
The Djinns
And just as cranes who sing their lay Make their long file across the sky, So I saw come, with drawn-out cry, Shades that the tempest bore away.] - Dante translated by T.A. Walls, town, Port loom With frown Of doom; Sea gray, Where ay Gleams spray; Sleep! gloom! O’er the plain Sighings steal - Gasps of pain Louder peal, As flies night, Like a sprite, Hell-fire light At its heel. The shriller sound Chimes like a bell; Its beat the bound Of pygmy fell, That backs, advances, Or, as it prances, On tiptoe dances O’er ocean's swell. The dread sound doth swell By echo rehearsed; ’Tis weird as the bell Of convent accursed; Like the roar of a crowd That thunders aloud, Rumbles - dies away cowed, Ere a louder outburst. ’Tis the Djinns! ’Tis their cry From the tombs! What a din! Ha! the stairs, let us fly Their dark hollows within! My lamp dims; o’er the wall, The shadows that fall From the balustrade, crawl Till the ceiling they win. ’Tis the swarm of Djinns in flight That hiss as they onward dash, Snapping off, like a pine alight - The yews over which they crash. Their giant and wind-swift horde Through the void of heaven have poured, Like a cloud whose womb is stored With the lightning’s hidden flash. They come! they come! Make fast the door! Here in this chamber we may flout Their hideous host. Ah! what a roar From dragon-vampires without! The rafters bend beneath the shock, Like sodden blades of grass they rock, The door tugs at its crazy lock And threats to wrench its hinges out. Infernal cries! voices that howl and wail! The dreadful swarm - no room is left for doubt - Just heavens, borne onward by the Northern gale Swoops on my home. Beneath their sooty rout The walls reel and the house filled with strange sound Shudders - methinks uprooted from the ground, Like aspen leaf whirled madly round and round, The wild winds whirl it in their train about. Oh prophet! canst thou succour now Thy son from these foul fiends of night, My shaven crown I’ll prostrate bow Before thy censer’s sacred rite. Grant on these hallowed doors may die Their fiery breath, and fruitlessly O’er these dark casements let them ply The rasping talons of their flight. They are gone, and their array Flies and flees, their cloven feet Battering at my door away Cease at length their volleying beat; Heaven with clank of chains doth ring, In the forest neighbouring Tall oaks bow them shuddering As the fire-fiends o’er them fleet. But their pinions resound Ever further aloof; So confused is the sound In the plain, ’twere a proof With its faint tinkling clang That a grasshopper sang, Or a hail-shower rang On an old leaden roof. And mysterious notes Still hither are borne, As fitfully floats To the sound of a horn, An Arab refrain They chant by the main; Dreams a child at the strain, His dreams to gold turn. The Djinns of hell, The seed of doom, In mad pell-mell Sweep through the gloom; Their horde doth rave, Hoarse as a wave That o’er its grave Unseen doth boom. The faint knell Flies - has fled! ’Tis the swell In its bed! ’Tis the plaint Death-like faint Of a Saint O’er her dead! The dark Or what Stirs? Hark! Each jot, Each trace, Doth space Erase. ’Tis not!
I found this in the British Library. An exercise in fine printing: London College of Printing c. 1911.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Moonlight

Clair de lune from Les Orientales, 1822

Victor Hugo (1802-85)

Clair de lune from Les Orientales, 1822
La lune était sereine et jouait sur les flots. - La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise, La sultane regarde, et la mer qui se brise, Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots. De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare. Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos. Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos, Battant l'archipel grec de sa rame tartare ? Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour, Et coupent l'eau, qui roule en perles sur leur aile ? Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle, Et jette dans la mer les créneaux de la tour ? Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? - Ni le noir cormoran, sur la vague bercé, Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé Du lourd vaisseau, rampant sur l'onde avec des rames. Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots. On verrait, en sondant la mer qui les promène, Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... - La lune était sereine et jouait sur les flots.
Moonlight
The moon was playing on the waves, serene… The window to the breeze at last rides free: The Sultan’s queen looks out. The breaking sea Decks the dark islets with a silver sheen. Her hand lets fall the resonant guitar. She hears dull echoes and a leaden sound… Is it a bark from Cos, which inward-bound Plies the Greek-studded seas with Asian oar? Is it the cormorants, that dive, and cleave The flood that rolls in pearls across their wing? Is it a Djinn, with eldritch yammering Hurling down crenellations on the wave? What stirs the sea beneath the secret halls Of odalisques? Not stones from crumbling walls, Not the black cormorant that water lulls, Not rhythmic plash of oars of heavy hulls: But heavy sacks, and sobbings heard within. Plumbing the depths that take them by the arm, You’d sense the movement of a human form. The moon was playing on the waves, serene.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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In a Ruined Abbey

DANS LES RUINES D’UNE ABBAYE

Victor Hugo (1802-85)

DANS LES RUINES D’UNE ABBAYE
Seuls tous deux, ravis, chantants ! Comme on s’aime ! Comme on cueille le printemps Que Dieu sème ! Quels rires étincelants Dans ces ombres Pleines jadis de fronts blancs, De cœurs sombres ! On est tout frais mariés. On s’envoie Les charmants cris variés De la joie. Purs ébats mêlés au vent Qui frissonne ! Gaîtés que le noir couvent Assaisonne ! On effeuille des jasmins Sur la pierre Où l’abbesse joint ses mains En prière. Les tombeaux, de croix marqués, Font partie De ces jeux, un peu piqués Par l’ortie. On se cherche, on se poursuit, On sent croître Ton aube, amour, dans la nuit Du vieux cloître. On s’en va se becquetant, On s’adore, On s’embrasse à chaque instant, Puis encore, Sous les piliers, les arceaux, Et les marbres. C’est l’histoire des oiseaux Dans les arbres.
In a Ruined Abbey
Just we two, and we sing! Joy of love! He sowed, we reap the spring, God above! Shades here so tenebrous: laughter peals! Paled here so many brows, sombre souls! Here we are, new-married: We let fly charming cries, all varied: ecstasy! Pure frolics in breezes that shiver! The dark convent seasons our pleasure! Abbess’s two hands join in stone prayer: we pluck the white jasmine twining there. Marked with a cross, the tombs take their part in our innocent games: nettles smart! Hide and seek: and we sense love brings light to the old cloister, dawns in its night. I kiss you, you kiss me, we adore, clasping insistently, and there’s more, Pillars and arching curves, effigies. It’s the tale of the birds in the trees.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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The poet

Le poète

Victor Hugo (1802-85)

Le poète
"Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs, Il est l’homme des utopies, Les pieds ici, les yeux ailleurs."
The poet
The poet comes in reprobate times, to prepare for better days. He is the man utopiate: his feet are here, but not his gaze.
Les Rayons et les Ombres, Préface, 1840 From the Preface to: ‘Sunbeams and Shadows’

Translation: Copyright © Timothy Adès

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From: Life Outdoors

de ‘La vie aux champs’

Victor Hugo (1802-85)

de ‘La vie aux champs’
Dès que je suis assis, les voilà tous qui viennent. C'est qu'ils savent que j'ai leurs goûts; ils se souviennent Que j'aime comme eux l'air, les fleurs, les papillons Et les bêtes qu'on voit courir dans les sillons. Ils savent que je suis un homme qui les aime, Un être auprès duquel on peut jouer, et même Crier, faire du bruit, parler à haute voix; Que je riais comme eux et plus qu'eux autrefois, Et qu'aujourd'hui, sitôt qu'à leurs ébats j'assiste, Je leur souris encor, bien que je sois plus triste ; Ils disent, doux amis, que je ne sais jamais Me fâcher ; qu'on s'amuse avec moi ; que je fais Des choses en carton, des dessins à la plume ; Que je raconte, à l'heure où la lampe s'allume, Oh! des contes charmants qui vous font peur la nuit ; Et qu'enfin je suis doux, pas fier et fort instruit. Aussi, dès qu'on m'a vu : «Le voilà !» tous accourent. Ils quittent jeux, cerceaux et balles; ils m'entourent Avec leurs beaux grands yeux d'enfants,sans peur,sans fiel, Qui semblent toujours bleus, tant on y voit le ciel ! Les petits -- quand on est petit, on est très-brave -- Grimpent sur mes genoux; les grands ont un air grave ; Ils m'apportent des nids de merles qu'ils ont pris, Des albums, des crayons qui viennent de Paris ;…
From: Life Outdoors
I sit, and they come – they know I share Their taste for butterflies, flowers, fresh air And animals scurrying everywhere. They know I’m a person who’s fond of them, They can play near me, shout and scream, And ages ago I laughed the same: And I laugh and I smile at them today, Though I’m sadder now, as I watch them play. I’m always fun and I’m never fractious, Make cardboard models and pen-and-ink sketches: They say so: and when we light the light, I tell them stories that scare them at night: I’m gentle and modest, and erudite. They see me, and ‘Look! He’s there!’ – they’ve downed Their toys, they run to me, they surround! Wide eyes, so fearless and friendly too: Such heavenly eyes, they must be blue! Little ones climb on my knees, they’re bold; Big ones look solemn, being so old. They bring me a borrowed blackbird’s nest, With scrapbooks and crayons, France’s best…
Online in The High Window French Translation Supplement, 2022

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The Ladybird

La coccinelle

Victor Hugo (1802-85)

La coccinelle
Elle me dit : Quelque chose Me tourmente. Et j'aperçus Son cou de neige, et, dessus, Un petit insecte rose.   J'aurais dû - mais, sage ou fou, A seize ans on est farouche, Voir le baiser sur sa bouche Plus que l'insecte à son cou.   On eût dit un coquillage ; Dos rose et taché de noir. Les fauvettes pour nous voir Se penchaient dans le feuillage.   Sa bouche franche était là : Je me courbai sur la belle, Et je pris la coccinelle ; Mais le baiser s'envola.   - Fils, apprends comme on me nomme, Dit l'insecte du ciel bleu, Les bêtes sont au bon Dieu, Mais la bêtise est à l'homme.
The Ladybird
She told me ‘Something’s tickling’, and I checked, looked at her snowy neck, and on it saw a little pink insect...     ...and not - but at sixteen one’s what-the-heck naughty or nice - the kiss upon her lips: just the bug on her neck.     You’d say, from this pink back, spotted with black, a shellfish… Warblers in the foliage were craning for a look.     Her mouth, so free! I hovered by the fay, bent to her beauty, took the ladybird: but the kiss flew away.   ‘Look at my name: we darling beasts are holy,’ says the sky-flyer: ‘we are Our Lady’s birds; mankind wreaks beastly folly.’

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To the Trees

Aux arbres

Victor Hugo (1802-85)

Aux arbres
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme! Au gré des envieux, la foule loue et blâme ; Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant. Vous le savez, la pierre où court un scarabée, Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée, Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour. La contemplation m'emplit le coeur d'amour. Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure, Avec ces mots que dit l'esprit à la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du même regard poursuivre en même temps, Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde, L'étude d'un atome et l'étude du monde. Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu, Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu! Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches, Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches, Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux, Vous savez que je suis calme et pur comme vous. Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance, Et je suis plein d'oubli comme vous de silence! La haine sur mon nom répand en vain son fiel ; Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! - J'ai chassé loin de moi toute pensée amère, Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère! Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours, Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds, Ravins où l'on entend filtrer les sources vives, Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives! Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois, Dans votre solitude où je rentre en moi-même, Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime! Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît, Arbres religieux, chênes, mousses, forêt, Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère, C'est sous votre branchage auguste et solitaire, Que je veux abriter mon sépulcre ignoré, Et que je veux dormir quand je m'endormirai.
To the Trees
You forest trees, how well you know my mind! The envious crowd is raucous and unkind; You know my soul! You’ve seen me as I’ve gone Gazing and musing in your depths alone: You know the outcrop that the beetle scours, The humble raindrop falling through the flowers, A bird, a cloud: all day I cannot move, As contemplation fills my heart with love. Often you’ve seen me, in the shady glen, Find words to put to nature from the brain, Quietly questioning your trembling boughs; Then, equable, and simultaneous, Pensive, head down, eyes on the leaves of grass, I quiz the atom and the universe. Trees, in your sounds I hear your every word: Through you, I flee from man and seek the Lord! You leaves that quiver at a branch’s end, Nests whose white feathers journey on the wind, Clearings, green vales, wild places, bane or balm, You know that, just like you, I’m pure and calm. My prayers climb to heaven like your fragrance; My skill is to forget, as yours is silence! In vain upon me hatred’s bile is poured; Hear this, you woods belovéd of the Lord! All bitter thoughts are banished and must fade: My heart is still the heart my mother made! I love the trees who shudder in the groves, And ivy too, mute climber on mute boughs; Ravines where living springs are heard to spill, Shrubs the birds plunder, feasting with a will! Surrounded in your forests, mighty trees, Safely concealed, I know this truth, at ease Within myself, and all alone with you: That a great being hears and loves me too! Forest, I’ll seek your shade and mystery, Under your solemn lonely canopy, And hide my grave in calm obscurity: For when I sleep, it’s there I wish to be.
Published online by Richard Berengarten, the Tree Project

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Come! Flute invisible

Viens ! - une flûte invisible

Victor Hugo (1802-85)

Viens ! - une flûte invisible
Viens ! - une flûte invisible Soupire dans les vergers. - La chanson la plus paisible Est la chanson des bergers. Le vent ride, sous l'yeuse, Le sombre miroir des eaux. - La chanson la plus joyeuse Est la chanson des oiseaux. Que nul soin ne te tourmente. Aimons-nous! aimons toujours ! - La chanson la plus charmante Est la chanson des amours.
Come! Flute invisible
Come! Flute invisible Sighs in the orchards. Song most peaceable, Song of the shepherds. Holm-oak: winds ruffle Dark mirror-waters. Song most joyful, Song of winged creatures. Be you not fretful! Let’s love for ever. Song most delightful, Song of the lover.
For François Le Roux

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The Moon

La Lune

Victor Hugo (1802-85)

La Lune
L’Olympe a dans l’azur des degrés inconnus ; Un jour, en descendant cet escalier, Vénus Tomba, se fit des bleus ailleurs que sur la face, Et les hommes en bas rirent ; l’effroi s’efface Quand on peut voir les dieux par leur autre côté. - Soit, dit alors Vénus, pour leur rire effronté, Les hommes, ayant eu cette bonne fortune, Ne verront plus de moi que cela. –                                                         C’est la lune!
The Moon
Mount Olympus in heaven has steps, not well-known. One day on this staircase, as Venus came down, She fell, and got bruises, and not on her face. Down below, people tittered. Now, dread has no place, When we get a clear view of the gods’ other side. Such merriment! Venus was quite mortified. She said: ‘Well! Since mankind has enjoyed such a boon, They shall see nothing else of me: only…’ - The Moon!
(Toute la lyre, VII, 14 ; p. 454)

Translation: Copyright © Timothy Adès

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