Song of Montenegro

Chant monténégrin

Gérard de Nerval (1808-55)

Chant monténégrin
C’est l’empereur Napoléon, Un nouveau César, nous dit-on, Qui rassembla ses capitaines : « Allez là-bas Jusqu’à ces montagnes hautaines ; N’hésitez pas ! » Là sont des hommes indomptables, Au cœur de fer, Des rochers noirs et redoutables Comme les abords de l’enfer. » Ils ont amené des canons Et des houzards et des dragons. « – Vous marchez tous, ô capitaines Vers le trépas ; Contemplez ces roches hautaines, N’avancez pas ! » Car la montagne a des abîmes Pour vos canons ; Les rocs détachés de leurs cimes Iront broyer vos escadrons. » Monténégro, Dieu te protège, Et tu seras libre à jamais, Comme la neige De tes sommets ! »
Song of Montenegro
Mighty Napoleon, Caesar’s new heir Summoned his captains, Told them: “Go there, Take those high mountains, March without fear! “Dauntless their warriors, Courage of steel. Black rocky barriers, Bulwarks of Hell.” Gathered, the guns, Lancers, dragoons. “Captains, your cohorts March to mischance: Gaze on these ramparts, Do not advance! “Mountain ravines Gape for your guns; High hurtling stones Crush your platoons. “Black-Mountain-Land, God shall dispose: Safe in His hand, Free as your snows!”

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Gérard de Nerval...

ONDINE

Categories
French

ONDINE

Aloysius Bertrand (1807-41)

–  » Écoute ! – Écoute ! – C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.  » Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.  » Écoute ! – Écoute ! – Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes soeurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! «  Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs. Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
ONDINE
“Listen! listen! I am here! Ondine,      brushing with raindrops the echoing diamonds of your window-panes,          by the dim light of the moon;      and here in shot silk is the lady of the house, on her balcony,          contemplating the beauty of starlit night and sleeping lake. “Every wave is a water-sprite swimming in the current;     every current is a path winding toward my palace;      and my palace is liquid, built under the lake, in the triangle of fire, earth, and air. “Listen! listen! My father strikes the clacking water with a green alder bough;      my sisters with their arms of foam          caress the fresh clumps of reeds, water-lilies, and sword-lilies;             or mock the poor old willow that goes fishing with its fronds!” She had murmured her song;     she begged me to receive her ring on my finger, to wed an Ondine,      and to go with her to her palace to be king of the lakes. And when I replied that I loved a mortal woman, she was slighted, and sullen:     she shed tears, burst out laughing,      and vanished in droplets that streamed white along my blue window-panes.
Said in the Purcell Room, London, on 3 December 2018.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Aloysius Bertrand...

Dante

Categories
French

Dante

Auguste Barbier (1805-82)

Dante, vieux Gibelin! quand je vois en passant Le plâtre blanc et mat de ce masque puissant Que l’art nous a laissé de ta divine tête, Je ne puis m’empêcher de frémir, ô poète! Tant la main du génie et celle de malheur Ont imprimé sur toi le sceau de la douleur. Sous l’étroit chaperon qui presse tes oreilles, Est-ce le pli des ans ou le sillon des veilles Qui traverse ton front si laborieusement? Est-ce au champ de l’exil, dans l’avilissement, Que ta bouche s’est close à force de maudire? Ta dernière pensée est-elle en ce sourire Que la mort sur ta lèvre a cloué de ses mains? Est-ce un ris de pitié sur les pauvres humains? Ah! le mépris va bien à la bouche de Dante, Car il reçut le jour dans une ville ardente, Et le pavé natal fut un champ de graviers Qui déchira longtemps la plante de ses pieds. Dante vit, comme nous, les passions humaines Rouler autour de lui leurs fortunes soudaines; Il vit les citoyens s’égorger en plein jour, Les partis écrasés renaître tour à tour; Il vit sur les bûchers s’allumer les victimes; Il vit pendant trente ans passer des flots de crimes, Et le mot de patrie à tous les vents jeté Sans profit pour le peuple et pour la liberté. Ô Dante Alighieri, poète de Florence, Je comprends aujourd’hui ta mortelle souffrance; Amant de Béatrice, à l’exil condamné, Je comprends ton œil cave et ton front décharné, Le dégoût qui te prit des choses de ce monde, Ce mal de cœur sans fin, cette haine profonde Qui, te faisant atroce en te fouettant l’humeur, Inondèrent de bile et ta plume et ton cœur. Aussi, d’après les mœurs de ta ville natale, Artiste, tu peignis une toile fatale, Et tu fis le tableau de sa perversité Avec tant d’énergie et tant de vérité, Que les petits enfants qui le jour, dans Ravenne, Te voyaient traverser quelque place lointaine, Disaient en contemplant ton front livide et vert: ‘Voilà, voilà celui qui revient de l’enfer!’
Dante
Dante, old Ghibelline! Your godlike head, Poet! - the mighty mask, which art bequeathed: When I pass by, and see the matt white plaster, I shudder. Thus did genius and disaster Stamp sorrow’s seal upon you. Round your ears, A close-drawn hood... Is it the groove of years, That furrow carved with toil across your brow? Or was it wakeful nights that drove the plough? Was it in Exile’s base degrading field Your mouth by many a bitter curse was sealed? And is that smile, lodged in the place of breath, Your final thought, nailed on by hands of death? For poor humanity, a sneer of pity! How well contempt befits the mouth of Dante, Who first saw daylight in a burning city, On no paved path but grit and gravel born, By which for untold years his feet were torn. Like us, he saw men’s passions round him roll Their hectic fortunes; parties rose and fell, Crushed and reborn; victims burnt merrily; Citizens’ throats were slit, for all to see; For thirty years the crimes went streaming by, The name of patriot to the winds hurled high, No good to common weal, nor liberty. O Dante Alighieri, Florentine, I understand today your mortal pain; Lover of Beatrice, exiled, I know why The haggard countenance, the hollow eye, Disgust for worldly things, the ailing heart Beyond all hope of cure, deep-seated hate That whipped your temper up and made you cruel, Flooding your spirit, and your pen, with bile. Thus by the customs of your native town You painted a grim canvas, setting down, Depicting Florence’s perversity With so much truth and so much energy That children in Ravenna, watching where You made your way across a distant square, Looked on your livid pallor, and could tell: “There is the man who just came back from Hell.”

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Auguste Barbier...

Michael Angelo

Michel-Ange

Auguste Barbier (1805-82)

Michel-Ange
How sad thy face, how haggard is thy brow, Great master, Michael Angelo, of stone! To whom, like Dante, laughter was unknown, Nor ever on those cheeks did teardrops flow. Alas! A Muse’s-milk too rich hadst thou: Art took thy whole life, was thy love alone; For sixty years, three callings were thine own, Nor did thy heart dear heart’s ease ever know. Poor Buonarrotti! Thy one happiness, To stamp the marble with sublime impress, And, strong as God, to strike such awe as He; And so thou didst thy final hour attain, Weary old lion of the snowy mane, Long since replete with glory and ennui.
Michael Angelo
Que ton visage est triste et ton front amaigri, Sublime Michel-Ange, ô vieux tailleur de pierre! Nulle larme jamais n'a mouillée ta paupière; Comme Dante, on dirait que tu n'as jamais ri. Hélas! d'un lait trop fort la Muse t'a nourri, L'art fut ton seul amour et prit ta vie entière; Soixante ans tu courus une triple carrière Sans reposer ton coeur sur un coeur attendri. Pauvre Buonarotti! ton seul bonheur au monde Fut d'imprimer au marbre une grandeur profonde, Et, puissant comme Dieu, d'effrayer comme Lui: Aussi, quand tu parvins à ta saison dernière, Vieux lion fatigué, sous ta blanche crinière, Tu mourus longuement plein de gloire et d'ennui.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Auguste Barbier...

Categories
French

As Boaz Was Dozing

Victor Hugo (1802-85)

Booz Endormi
without using “e”

Booz s’était couché de fatigue accablé
Il avait tout le jour travaillé dans son aire,
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé,
Ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge;
Il était, quoique riche, à la justice enclin,
Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin,
Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge.
Sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril.
Sa gerbe n’était point avare ni haineuse;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse,
– Laissez tomber exprès des épis, disait-il.
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.
Booz était bon maître et fidèle parent;
Il était généreux, quoiqu’il fût économe;
Les femmes regardaient Booz plus qu’un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants;
Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’oeil du vieillard on voit de la lumière.
…………………………*
Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens;
Près des meules, qu’on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.
Les tribus d’Israël avaient pour chef un juge;
La terre, où l’homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géant qu’il voyait,
Était encor mouillée et molle du déluge.
…………………………*
Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée;
Or, la porte du ciel s’étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.
Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu’au ciel bleu;
Une race y montait comme une longue chaîne;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.
Et Booz murmurait avec la voix de l’âme:
“Comment se pourrait-il que de moi ceci vint?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n’ai pas de fils, et je n’ai plus de femme.
“Voilà longtemps que celle avec qui j’ai dormi,
O Seigneur! a quitté ma couche pour la vôtre;
Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.
“Une race naitrait de moi! Comment le croire?
Comment se pourrait-il que j’eusse des enfants?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants,
Le jour sort de la nuit comme d’une victoire;
“Mais, vieux, on tremble ainsi qu’à l’hiver le bouleau;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l’eau.”
Ainsi parlait Booz dans le rêve et l’extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.
…………………………*
Pendant qu’il sommeillait, Ruth, une moabite,
S’était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.
Booz ne savait point qu’une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d’elle.
Un frais parfum sortait des touffes d’asphodèle;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
La respiration de Booz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.
Ruth songeait et Booz dormait; l’herbe était noire;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement;
Une immense bonté tombait du firmament;
C’était l’heure tranquille où les lions vont boire.
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait à l’occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l’oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.
Boaz had cut his corn and sought his cot.
A hard day’s winnowing had fairly worn
Him out, and laid him in his usual spot.
His bins stood not far off, chock-full of corn.
Boaz was old, and rich in corn and grain,
Nor loth, for all his gold, to act aright:
His mill ran limpid, with no muddy stain;
His smithy cast no dark satanic light.
His hoary locks hung smooth as April rill;
His ricks rous’d no rapacity nor gall.
Should a poor woman pass, it was his will
That handy stalks of corn should thickly fall.
Boaz trod upright, far from shady ways,
In candid purity and snowy gown,
And always, as a public fountain plays,
Flung many a grainsack charitably down:
A loyal kinsman and a pious lord,
Unstinting, though not prodigal of hand;
As no young man, by womankind ador’d:
Youth has good looks, a patriarch is grand!
Old folk, backtracking to our primal spring,
Quit dubious days for dawning glory bright.
A young man’s iris is a blazing thing;
An old man’s, if you look, is full of light.
…………………………*
So Boaz lay that night among his own,
Dark knots of farmhands, with his stooks on show,
As big as dust-hills, if you hadn’t known.
This was particularly long ago.
No kings wrought Judah’s laws, but Dayanim;
Man was nomadic, and still gaping stood
At giants’ footprints that astonish’d him,
On soil still damp and soft from Noah’s flood.
…………………………*
Jacob lay still, and Judith; Boaz too
Blind and oblivious in his arbour lay.
Now from on high, a yawning portal through,
To him a holy vision found its way.
It was a vision of a vast oak, going
Up from his loins towards a cobalt sky,
And, link by link, a clan, a nation growing:
A king who sang; a dying god, hung high.
Said Boaz, in his spirit murmuring,
“Forty on forty birthdays, Lord! I pil’d;
How shall all this from my old body spring?
I cannot boast a consort, nor a child.
“Thou know’st that long ago my faithful fair,
Lord God Almighty, quit my couch for yours.
Twin souls conjoint, a still-commingling pair,
Gliding in convoy through oblivion’s doors.
‘That I should found a family? How so?
How should my loins now bring a brood to birth?
For in our youth triumphant mornings glow,
And, out of night, day springs victorious forth;
“But I am shaky as a birch in snow,
A widow-man, on whom long shadows sink.
Towards my tomb my soul is winging low,
Just as a thirsty ox stoops down to drink.”
All this in mystic vision Boaz said,
Turning to God his drowsy orbs, all calm;
Nor thought a woman at his foot was laid.
So daisy blows, unmark’d by lofty palm.
…………………………*
Boaz was all unconscious in his cot;
At his foot, humbly, Ruth from Moab lay,
Half-clad, awaiting dawn, and who knows what
Illumination, born of waking day.
Boaz wist not that Ruth was lying by;
Ruth had no inkling what was in God’s mind …
Floral aromas, dill and dittany;
Fragrant with amaranth, Galgala’s wind.
O nuptial pomp! How grand a shadow cast!
No doubt a holy choir was gambolling,
all shyly; for an unknown form slid past,
Cobalt in colour: possibly, a wing.
From Boaz’ lungs and throat a rhythinic wind
Struck chords with murmurs born of mossy rills.
It was a month that’s naturally kind,
With lily-blossoms glorious on hills.
Ruth musing, Boaz snoozing; darkling sward;
Far off, a woolly flock was dully clinking,
As from on high abundant bounty pour’d;
A happy hour, that brings out lions, drinking.
In Ur and Ziph and Mizpah, not a sound.
A thin, bright moon was shining on its way
Among night’s blooms, down a dark sky, profound,
Inlaid with starry studs; and so Ruth lay,
Half-glancing through a shawl, and calm at last …
Bringing a bounty in that grows not old,
What god, what swain, thought Ruth, has idly cast
On starry corn his falchion wrought of gold?

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Victor Hugo...

Borgia

Categories
French

Borgia

Victor Hugo (1802-85)

Je me penchai. J’étais dans le lieu ténébreux; Là gisent les fléaux avec la nuit sur eux; Et je criai: — Tibère! — Eh bien? me dit cet homme. — Tiens–toi là. — Soit. — Néron! — L’autre monstre de Rome Dit: — Qui donc m’ose ainsi parler? — Bien. Tiens–toi là. Je dis: — Sennachérib! Tamerlan! Attila! — Qu’est–ce donc que tu veux? répondirent trois gueules. — Restez là. Plus un mot. Silence. Soyez seules. Je me tournai: — Nemrod! — Quoi? — Tais–toi. — Je repris: — Cyrus! Rhamsès! Cambyse! Amilcar! Phalaris! — Que veut–on? — Restez là. — Puis, passant aux modernes, Je comparai les bruits de toutes les cavernes, Les antres aux palais et les trônes aux bois, Le grondement du tigre au cri d’Innocent trois, Nuit sinistre où pas un des coupables n’échappe, Ni sous la pourpre Othon, ni Gerbert sous la chape. Pensif, je m’assurai qu’ils étaient bien là tous, Et je leur dis: — Quel est le pire d’entre vous? Alors, du fond du gouffre, ombre patibulaire Où le nid menacé par l’immense colère Autrefois se blottit et se réfugia, Satan cria: — C’est moi! — Crois–tu? dit Borgia.
Borgia
I leaned and I looked in the shadowy zone Where lurk in dark night all the tyrants, the Scourges. I called out ‘Tiberius!’ and ‘Well?’ he replied: ‘Just stay there.’ ‘Agreed.’ ‘Nero!’ Rome’s other villain: ‘Who dares to accost me?’ Said I: ‘Good. Stay put.’ ‘Sennacherib! Tamburlaine! Attila!’ ‘What Do you want?’ said three maws. ‘Stay there. Quiet! On your own: Not a word.’ I turned. ‘Nimrod!’ ‘What?’ ‘Silence!’ And then ‘Rhamses! Hamilcar! Phalaris! Cyrus! Cambyses!’ ‘What is it?’ ‘Stay there.’ So I passed to the moderns, Comparing the noises from so many caverns, The throne to the forest, the cave to the palace, Pope Innocent screaming, the tiger who bellows: Evil night which the guilty can never escape, Not Otto in purple, not Gerbert in cope. All were present, correct: I checked carefully first: And I asked them ‘Of all of you, which is the worst?’ From deep in the gulf, from the gloom of the gallows, Where once long ago like a fledgling in danger He cowered and fled from the infinite anger, Satan roared ‘It is I!’… ‘Do you think so?’ said Borgia.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Victor Hugo...

His Daughter’s Grave

Demain, dès l'aube

Victor Hugo (1802-85)

His daughter Léopoldine had died at age 19 in a boating accident, with her husband who tried to save her.
Demain, dès l'aube
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois–tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
His Daughter’s Grave
Tomorrow, soon as dawn has lit the land, I’ll start. I know you’re waiting there, you see. I’ll walk the woods and hills. I cannot stand Another day, having you far from me. My eyes will fasten on my thoughts. I’ll tread, Hearing no voice, seeing no outward sight, Nameless, alone, hands folded, lowered head, In sadness: and my day shall be as night. I shall not watch the falling gold of eve, The distant sails borne down towards Harfleur. I’ll come and lay my tribute on your grave: Green holly, gathered tight with ling in flower.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Victor Hugo...

O When I Sleep

O quand je dors

Victor Hugo (1802-85)

O quand je dors
Oh! quand je dors, viens auprès de ma couche, Comme à Pétrarque apparaissait Laura, Et qu’en passant ton haleine me touche… — Soudain ma bouche S’entr’ouvrira! Sur mon front morne où peut–être s’achève Un songe noir qui trop longtemps dura, Que ton regard comme un astre se lève… — Soudain mon rêve Rayonnera! Puis sur ma lèvre où voltige une flamme, Eclair d’amour que Dieu même épura, Pose un baiser, et d’ange deviens femme… — Soudain mon âme S’éveillera!
O When I Sleep
O when I sleep, come near my couch, as once to Petrarch Laura came: I’ll feel your dear breath’s passing touch and with a start my lips shall part! On my sad brow, where for a time some dismal thought too long delays, release the moonrise of your gaze: a starry gleam shall grace my dream! Then on my lip shall dance a flame, the light of love, God’s benefice: angel turned woman, place a kiss … in two sweet shakes, my soul awakes!
Franz Liszt's music: huge choice of singers on YouTube! German text also by Peter Cornelius: https://www.lieder.net/lieder/get_text.html?TextId=19276

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Victor Hugo...

A night the sea was heard, and not seen

Une Nuit Qu’On Entendait la Mer Sans la Voir

Victor Hugo (1802-85)

Une Nuit Qu’On Entendait la Mer Sans la Voir
Quels sont ces bruits sourds? Ecoutez vers l’onde Cette voix profonde Qui pleure toujours Et qui toujours gronde, Quoiqu’un son plus clair Parfois l’interrompe… — Le vent de la mer Souffle dans sa trompe. Comme il pleut ce soir! N’est–ce pas, mon hôte? Là–bas, à la côte, Le ciel est bien noir, La mer est bien haute! On dirait l’hiver; Parfois on s’y trompe… — Le vent de la mer Souffle dans sa trompe. Oh! marins perdus! Au loin, dans cette ombre Sur la nef qui sombre, Que de bras tendus Vers la terre sombre! Pas d’ancre de fer Que le flot ne rompe. — Le vent de la mer Souffle dans sa trompe. Nochers imprudents! Le vent dans la voile Déchire la toile Comme avec les dents! Là–haut pas d’étoile! L’un lutte avec l’air, L’autre est à la pompe. — Le vent de la mer Souffle dans sa trompe. C’est toi, c’est ton feu Que le nocher rêve, Quand le flot s’élève, Chandelier que Dieu Pose sur la grève, Phare au rouge éclair Que la brume estompe! — Le vent de la mer Souffle dans sa trompe. Victor Hugo, ‘Les Voix Intérieures’
A night the sea was heard, and not seen
What’s this rough sound? Hark, hark at the waves, this voice profound that endlessly grieves nor ceases to scold, and yet shall be drowned by one louder, at last: The sea–tempests wield their trumpet–blast. How it rains tonight! Does it not, my guest? All down the coast, the sky without light and the sea storm–tossed! ’Tis winter, we railed, yet we falsely guessed… The sea–tempests wield their trumpet–blast. O sailors lost! From the raft of doom in the distant gloom, what cries are cast to the shores that loom! Anchor–chains yield to the surging crest. The sea–tempests wield their trumpet–blast. O helmsmen, fools! The storm in your sails with furious tooth rips up your cloth! The stars are concealed! Jack pumps and bales, Jem looks to the mast… The sea–tempests wield their trumpet–blast. It is you, your blaze that the helmsman craves in the towering waves, you lamp on the strand that the Lord displays, red rescuing brand that is doused in mist! The sea–tempests wield their trumpet–blast.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Victor Hugo...

I paid the fisherman

Je payai le pêcheur

Victor Hugo (1802-85)

Je payai le pêcheur
Je payai le pêcheur qui passa son chemin, Et je pris cette bête horrible dans ma main; C'était un être obscur comme l'onde en apporte, Qui, plus grand, serait hydre, et, plus petit, cloporte; Sans forme comme l'ombre, et, comme Dieu, sans nom. Il ouvrait une bouche affreuse, un noir moignon Sortait de son écaille; il tâchait de me mordre; Dieu, dans l'immensité formidable de l'ordre, Donne une place sombre à ces spectres hideux; Il tâchait de me mordre, et nous luttions tous deux; Ses dents cherchaient mes doigts qu'effrayait leur approche; L'homme qui me l'avait vendu tourna la roche; Comme il disparaissait, le crabe me mordit; Je lui dis: «Vis! et sois béni, pauvre maudit!» Et je le rejetai dans la vague profonde, Afin qu'il allât dire à l'océan qui gronde, Et qui sert au soleil de vase baptismal, Que l'homme rend le bien au monstre pour le mal.
I paid the fisherman
I paid the fisherman as he passed by, took in my hand this vile monstrosity, a creature murky as its watery haunt, an outsize weevil, or a hydra’s runt; shapeless as shade, and nameless as the Lord. A maw that gaped, and a black stump that bored out through the scales... It snapped at me. God grants a place in his colossal ordinance to these revolting spooks, a world obscured. It snapped at me... We came to blows, we sparred, my fingers fearful of the teeth’s attack: the vendor slipped away behind a rock, vanishing, as it bit me. ‘Go!’ I cried: ‘Bless you, damned creature!’ - threw it on the tide, into the depths, to tell the great curmudgeon, the sun’s baptismal font, the boundless ocean: Man does to Beast a good for an evil action.
Jersey, grève d'Azette, juillet 1855.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Victor Hugo...