Les Cydalises

The pretty ones

Gérard de Nerval (1808-55)

The pretty ones
Où sont nos amoureuses? Elles sont au tombeau. Elles sont plus heureuses, Dans un séjour plus beau! Elles sont près des anges, Dans le fond du ciel bleu, Et chantent les louanges De la mère de Dieu! Ô blanche fiancée! Ô jeune vierge en fleur! Amante délaissée, Que flétrit la douleur! L’éternité profonde Souriait dans vos yeux ... Flambeaux éteints du monde, Rallumez-vous aux cieux!
Les Cydalises
Where are our trueloves?     Under cold clay. Fairer their fortunes     Now, far away. Angels around them,     High overhead; Anthems resounding,     Mother of God. Flawless young flower,     Virginal bride. Sorrow to suffer,     Lover denied. Worlds with no ending     Smiled in your eyes; Now, the rekindling:     Shine in the skies!

Translation: Copyright © Timothy Adès

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In the Luxembourg Gardens

Une Allée du Luxembourg

Gérard de Nerval (1808-55)

Une Allée du Luxembourg
Elle a passé, la jeune fille Vive et preste comme un oiseau : À la main une fleur qui brille, À la bouche un refrain nouveau. C’est peut-être la seule au monde Dont le cœur au mien répondrait, Qui venant dans ma nuit profonde D’un seul regard l’éclaircirait ! Mais non, – ma jeunesse est finie... Adieu, doux rayon qui m’as lui, – Parfum, jeune fille, harmonie... Le bonheur passait, – il a fui !
In the Luxembourg Gardens
She passed by, she was young, Lithe as bird on the wing, In her hand a bright flower, On her lips a new song. Could her heart, of all hearts, Give my heart a response? Could she lighten my dark With the fire of her glance? But no, my youth is finished... Farewell, sweet ray that shone, Girl, music, perfume, vanished: Happiness, passing, gone ! And here's a translation by Anon: E’ passata la gaia ragazza, svelta e vispa come un fringuello: con in mano una rosa di guazza, ed in bocca un suo fresco stornello. Ella è forse la sola nel mondo che darebbe il suo cuore al mio cuore: e che il buio in cui vivo, profondo, con un bacio farebbe splendore. Ma la mia giovinezza è già via… Ti saluto, miraggio fugace! Oh! Profumo, fanciulla, armonia, non son più che un ricordo mendace.
'Ivann', singer-songwriter: https://www.youtube.com/watch?v=eZTV62LuYow

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Fantasy

Fantaisie

Gérard de Nerval (1808-55)

Fantaisie
Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Wèbre : Un air très vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets! Or, chaque fois que je viens à l’entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit... C’est sous Louis treize; et je crois voir s’étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit. Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que, dans une autre existence peut-être, J’ai déjà vue... et dont je me souviens!
Fantasy
Rossini, Mozart, yes, and Weber, I’d give them all for just one tune: It’s ancient, languid and sepulchral, It keeps its charms for me alone. I hear it, and my soul is younger: Each time, two centuries are gone. Louis the Thirteenth; a green hillside Turns golden in the setting sun. Stately brick house with fine stone corners: Red colours tint its window-glass. A river laves its feet, goes flowing Through parks in flower, swathes of grass; Fair lady at her lofty window, Black eyes, her dress historical, Whom in some earlier existence I may have seen ... and can recall!

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Notre-Dame, Paris

Notre-Dame de Paris

Gérard de Nerval (1808-55)

Notre-Dame de Paris
Notre-Dame est bien vieille: on la verra peut-être Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître; Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde, Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde Rongera tristement ses vieux os de rocher! Bien des hommes, de tous les pays de la terre Viendront, pour contempler cette ruine austère, Rêveurs, et relisant le livre de Victor; – Alors ils croiront voir la vieille basilique, Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique, Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort!
Notre-Dame, Paris
Notre-Dame’s old. Who knows if, by and by, She, who saw Paris born, shall see her die? Ages shall pass. Time, as the wolf subdues The ox, shall bring her heavy carcass down With his dull tooth, shall twist her iron thews, And gnaw her skeleton of ancient stone. From every land on earth a throng shall stream To view the dismal ruin, and shall dream, Reading the fable that great Victor made: They’ll see a vision of the hallowed pile, Mighty and splendid in its antique style, Rise up before them like a spectral shade!
Published in Festschrift for Patricia Oxley

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Sunset

Le Coucher du Soleil

Gérard de Nerval (1808-55)

Le Coucher du Soleil
Quand le soleil du soir parcourt les Tuileries Et jette l’incendie aux vitres du château; Je suis la Grande Allée et ses deux pièces d’eau Tout plongé dans mes rêveries! Et de là, mes amis, c’est un coup d’œil fort beau De voir, lorsqu’à l’entour la nuit répand son voile, Le coucher du soleil, riche et mouvant tableau, Encadré dans l’Arc de l’Étoile!
Sunset
When sunset penetrates the Tuileries, Kindling a blaze on all the stately glass, By the Grand Avenue’s twin pools I pass, Plunged deep in my reveries! From there, my friends, it is spectacular: I watch, as round me spreads the veil of Night, The setting of the sun, a sumptuous sight, Framed in the Arch of the Star!

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Song of Montenegro

Chant monténégrin

Gérard de Nerval (1808-55)

Chant monténégrin
C’est l’empereur Napoléon, Un nouveau César, nous dit-on, Qui rassembla ses capitaines : « Allez là-bas Jusqu’à ces montagnes hautaines ; N’hésitez pas ! » Là sont des hommes indomptables, Au cœur de fer, Des rochers noirs et redoutables Comme les abords de l’enfer. » Ils ont amené des canons Et des houzards et des dragons. « – Vous marchez tous, ô capitaines Vers le trépas ; Contemplez ces roches hautaines, N’avancez pas ! » Car la montagne a des abîmes Pour vos canons ; Les rocs détachés de leurs cimes Iront broyer vos escadrons. » Monténégro, Dieu te protège, Et tu seras libre à jamais, Comme la neige De tes sommets ! »
Song of Montenegro
Mighty Napoleon, Caesar’s new heir Summoned his captains, Told them: “Go there, Take those high mountains, March without fear! “Dauntless their warriors, Courage of steel. Black rocky barriers, Bulwarks of Hell.” Gathered, the guns, Lancers, dragoons. “Captains, your cohorts March to mischance: Gaze on these ramparts, Do not advance! “Mountain ravines Gape for your guns; High hurtling stones Crush your platoons. “Black-Mountain-Land, God shall dispose: Safe in His hand, Free as your snows!”

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Thoughts of Byron ~ Elegy

Pensée de Byron ~ Élégie

Gérard de Nerval (1808-55)

Pensée de Byron ~ Élégie
Par mon amour et ma constance, J’avais cru fléchir ta rigueur, Et le souffle de l’espérance Avait pénétré dans mon cœur ; Mais le temps, qu’en vain je prolonge, M’a découvert la vérité, L’espérance a fui comme un songe… Et mon amour seul m’est resté ! Il est resté comme un abîme, Entre ma vie et le bonheur, Comme un mal dont je suis victime, Comme un poids jeté sur mon cœur ! Pour fuir le piège où je succombe, Mes efforts seraient superflus ; Car l’homme a le pied dans la tombe, Quand l’espoir ne le soutient plus. J’aimais à réveiller la lyre, Et souvent, plein de doux transports, J’osais, ému par le délire, En tirer de tendres accords. Que de fois, en versant les larmes, J’ai chanté tes divins attraits ! Mes accents étaient pleins de charmes, Car c’est toi qui les inspirais. Ce temps n’est plus, et le délire Ne vient plus animer ma voix ; Je ne trouve point à ma lyre Les sons qu’elle avait autrefois. Dans le chagrin qui le dévore, Je vois mes beaux jours s’envoler ; Si mon œil étincelle encore, C’est qu’une larme va couler ! Brisons la coupe de la vie ; Sa liqueur n’est que du poison ; Elle plaisait à ma folie, Mais elle enivrait ma raison. Trop longtemps épris d’un vain songe, Gloire ! amour ! vous eûtes mon cœur : O Gloire ! tu n’es qu’un mensonge ; Amour ! tu n’es point le bonheur !
Thoughts of Byron ~ Elegy
I thought my love and constancy Might cause your rigour to relent. The breeze of sweet expectancy Had stirred my deepest sentiment. I let the wasteful months run on Till they revealed the truth to me: My hope’s a dream that’s lost and gone, Only my love remains to me. My love remains, a cleft profound Between my life and my content, An agony, a victim’s wound, My spirit’s gross impediment. I’m in the snare and must succumb, For all exertions are in vain: A man has one foot in the tomb, When hope is lacking to sustain. I loved to re-awake the lyre, And often full of reveries I dared, excited by desire, To bid it play soft harmonies; And often bitterly I wept Singing your qualities divine, Enchantments of a love-adept, For you inspired those tones of mine. Those days have vanished now; desire No longer stirs this voice to sing; Nor can it conjure on my lyre Notes of our past, re-echoing. I see my days of bliss in flight As gnawing sorrow takes its toll; And if my eye is sparkling bright, Know that a tear prepares to fall. Dash down life’s cup: one bane the less! Its liquor is the merest poison. Though it has pleased my wilfulness, It maddened, with its fumes, my reason. Too long in futile dreams’ duress (Glory and Love!) my heart was pent; But, Glory, you are fraudulent, And, Love, you are not happiness.

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ONDINE

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French

ONDINE

Aloysius Bertrand (1807-41)

–  » Écoute ! – Écoute ! – C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.  » Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.  » Écoute ! – Écoute ! – Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes soeurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! «  Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs. Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
ONDINE
“Listen! listen! I am here! Ondine,      brushing with raindrops the echoing diamonds of your window-panes,          by the dim light of the moon;      and here in shot silk is the lady of the house, on her balcony,          contemplating the beauty of starlit night and sleeping lake. “Every wave is a water-sprite swimming in the current;     every current is a path winding toward my palace;      and my palace is liquid, built under the lake, in the triangle of fire, earth, and air. “Listen! listen! My father strikes the clacking water with a green alder bough;      my sisters with their arms of foam          caress the fresh clumps of reeds, water-lilies, and sword-lilies;             or mock the poor old willow that goes fishing with its fronds!” She had murmured her song;     she begged me to receive her ring on my finger, to wed an Ondine,      and to go with her to her palace to be king of the lakes. And when I replied that I loved a mortal woman, she was slighted, and sullen:     she shed tears, burst out laughing,      and vanished in droplets that streamed white along my blue window-panes.
Said in the Purcell Room, London, on 3 December 2018.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Dante

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French

Dante

Auguste Barbier (1805-82)

Dante, vieux Gibelin! quand je vois en passant Le plâtre blanc et mat de ce masque puissant Que l’art nous a laissé de ta divine tête, Je ne puis m’empêcher de frémir, ô poète! Tant la main du génie et celle de malheur Ont imprimé sur toi le sceau de la douleur. Sous l’étroit chaperon qui presse tes oreilles, Est-ce le pli des ans ou le sillon des veilles Qui traverse ton front si laborieusement? Est-ce au champ de l’exil, dans l’avilissement, Que ta bouche s’est close à force de maudire? Ta dernière pensée est-elle en ce sourire Que la mort sur ta lèvre a cloué de ses mains? Est-ce un ris de pitié sur les pauvres humains? Ah! le mépris va bien à la bouche de Dante, Car il reçut le jour dans une ville ardente, Et le pavé natal fut un champ de graviers Qui déchira longtemps la plante de ses pieds. Dante vit, comme nous, les passions humaines Rouler autour de lui leurs fortunes soudaines; Il vit les citoyens s’égorger en plein jour, Les partis écrasés renaître tour à tour; Il vit sur les bûchers s’allumer les victimes; Il vit pendant trente ans passer des flots de crimes, Et le mot de patrie à tous les vents jeté Sans profit pour le peuple et pour la liberté. Ô Dante Alighieri, poète de Florence, Je comprends aujourd’hui ta mortelle souffrance; Amant de Béatrice, à l’exil condamné, Je comprends ton œil cave et ton front décharné, Le dégoût qui te prit des choses de ce monde, Ce mal de cœur sans fin, cette haine profonde Qui, te faisant atroce en te fouettant l’humeur, Inondèrent de bile et ta plume et ton cœur. Aussi, d’après les mœurs de ta ville natale, Artiste, tu peignis une toile fatale, Et tu fis le tableau de sa perversité Avec tant d’énergie et tant de vérité, Que les petits enfants qui le jour, dans Ravenne, Te voyaient traverser quelque place lointaine, Disaient en contemplant ton front livide et vert: ‘Voilà, voilà celui qui revient de l’enfer!’
Dante
Dante, old Ghibelline! Your godlike head, Poet! - the mighty mask, which art bequeathed: When I pass by, and see the matt white plaster, I shudder. Thus did genius and disaster Stamp sorrow’s seal upon you. Round your ears, A close-drawn hood... Is it the groove of years, That furrow carved with toil across your brow? Or was it wakeful nights that drove the plough? Was it in Exile’s base degrading field Your mouth by many a bitter curse was sealed? And is that smile, lodged in the place of breath, Your final thought, nailed on by hands of death? For poor humanity, a sneer of pity! How well contempt befits the mouth of Dante, Who first saw daylight in a burning city, On no paved path but grit and gravel born, By which for untold years his feet were torn. Like us, he saw men’s passions round him roll Their hectic fortunes; parties rose and fell, Crushed and reborn; victims burnt merrily; Citizens’ throats were slit, for all to see; For thirty years the crimes went streaming by, The name of patriot to the winds hurled high, No good to common weal, nor liberty. O Dante Alighieri, Florentine, I understand today your mortal pain; Lover of Beatrice, exiled, I know why The haggard countenance, the hollow eye, Disgust for worldly things, the ailing heart Beyond all hope of cure, deep-seated hate That whipped your temper up and made you cruel, Flooding your spirit, and your pen, with bile. Thus by the customs of your native town You painted a grim canvas, setting down, Depicting Florence’s perversity With so much truth and so much energy That children in Ravenna, watching where You made your way across a distant square, Looked on your livid pallor, and could tell: “There is the man who just came back from Hell.”

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Michael Angelo

Michel-Ange

Auguste Barbier (1805-82)

Michel-Ange
How sad thy face, how haggard is thy brow, Great master, Michael Angelo, of stone! To whom, like Dante, laughter was unknown, Nor ever on those cheeks did teardrops flow. Alas! A Muse’s-milk too rich hadst thou: Art took thy whole life, was thy love alone; For sixty years, three callings were thine own, Nor did thy heart dear heart’s ease ever know. Poor Buonarrotti! Thy one happiness, To stamp the marble with sublime impress, And, strong as God, to strike such awe as He; And so thou didst thy final hour attain, Weary old lion of the snowy mane, Long since replete with glory and ennui.
Michael Angelo
Que ton visage est triste et ton front amaigri, Sublime Michel-Ange, ô vieux tailleur de pierre! Nulle larme jamais n'a mouillée ta paupière; Comme Dante, on dirait que tu n'as jamais ri. Hélas! d'un lait trop fort la Muse t'a nourri, L'art fut ton seul amour et prit ta vie entière; Soixante ans tu courus une triple carrière Sans reposer ton coeur sur un coeur attendri. Pauvre Buonarotti! ton seul bonheur au monde Fut d'imprimer au marbre une grandeur profonde, Et, puissant comme Dieu, d'effrayer comme Lui: Aussi, quand tu parvins à ta saison dernière, Vieux lion fatigué, sous ta blanche crinière, Tu mourus longuement plein de gloire et d'ennui.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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