The Coral Reef

Le récif de corail

José-Maria de Hérédia (1842-1905)

Le récif de corail
Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore, Éclaire la forêt des coraux abyssins Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins, La bête épanouie et la vivante flore. Et tout ce que le sel ou l'iode colore, Mousse, algue chevelue, anémones, oursins, Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins, Le fond vermiculé du pâle madrépore. De sa splendide écaille éteignant les émaux, Un grand poisson navigue à travers les rameaux ; Dans l'ombre transparente indolemment il rôde ; Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu, Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude.
The Coral Reef
Sun under sea, the mysterious aurora, lights up abysses and forests of corals mingling in depths of their warm-water basins creatures resplendent, ebullient flora. All that the salt or the iodine colours, moss, hairy seaweed, anemones, urchins, covers, in sumptuous designs of deep purple, beds of the madrepore’s worm-patterned pallor. Quenching his scales that are fiery enamels comes a big fish moving clean through the branches, lazily browses in shady transparence: suddenly whisking his fin pyrotechnic, makes the blue motionless lack-lustre crystal thrill to the pearl-gleam, the gold, the smaragdine.
https://www.youtube.com/watch?v=_F08Lg7_wlE

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by José-Maria de Hérédia...

Sailor's Wind

Brise Marine

Stéphane Mallarmé (1842-98)

Translated without using letter E: a lipogram
Brise Marine
La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres, Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres D’être parmi l’écume inconnue et les cieux! Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe Sur le vide papier que la blancheur défend Et ni la jeune femme allaitant son’enfant. Je partirai! Steamer balançant ta mâture, Lève l’ancre pour une exotique nature! Un Ennui, désolé par les cruels espoirs, Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs! Et, peut-être, les mâts, invitant les orages Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles ilôts … Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots!
Sailor's Wind
Limbs flag and fail; j’ai lu all books of words. To fly away! I think of soaring birds In sky unknown, and spray, mad-drunk with flight. No arbours, mirror’d back from orbs of sight, Can stay my soul from plunging totally, O nights! nor lamplight’s arid clarity On my blank writing-pad’s forbidding wall; Nor a young woman with a sucking doll. I go! You throbbing ship with masts that sway, Up anchor, and to magick lands away! Vain longings haunt us; harsh monotony Still trusts in waving chiffon’s last goodby; And masts that summon storms may soon bow down To roaring winds, by ruin’d hulks that drown, Lost, with no masts, nor islands blossoming … But hark, my soul! What songs our sailors sing!

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Stéphane Mallarmé...

Épiphanie

Epiphany

José-Maria de Hérédia (1842-1905)

Epiphany
Donc, Balthazar, Melchior et Gaspar, les Rois Mages, Chargés de nefs d’argent, de vermeil et d’émaux Et suivis d’un très long cortège de chameaux, S’avancent, tels qu’ils sont dans les vieilles images. De l’Orient, lointain, ils portent leurs hommages Aux pieds du fils de Dieu, nés pour guérir les maux Que souffrent ici-bas l’homme et les animaux ; Un page noir soutient leurs robes à ramages. Sur le seuil de l’étable où veille saint Joseph, Ils ôtent humblement la couronne du chef Pour saluer l’Enfant qui rit et les admire. C’est ainsi qu’autrefois, sous Auguste César, Sont venus, présentant l’or, l’encens et la myrrhe, Les Rois Mages Gaspar, Melchior et Balthazar.
Épiphanie
Balthazar, Melchior, Gaspar, the Three Kings, Loaded with silver, scarlets and enamels, And followed by a long parade of camels, Draw near, as in great art’s imaginings. From eastern lands afar the trio brings Homage to God’s Son, born to heal all ills Endured on earth by men and animals… Intricate robes! held high by underlings. St Joseph keeps his vigil at the byre: They humbly doff their crowns, their heads are bare, They greet the laughing and admiring Child. So, when in times long past Augustus ruled, There came with myrrh and frankincense and gold Three Kings called Gaspar, Melchior, Balthazar.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by José-Maria de Hérédia...

The Slave

L’ESCLAVE

José-Maria de Hérédia (1842-1905)

L’ESCLAVE
Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets, Esclave, - vois, mon corps en a gardé les signes, - Je suis né libre au fond du golfe aux belles lignes Où l'Hybla plein de miel mire ses bleus sommets. J'ai quitté l'île heureuse, hélas! ... Ah! si jamais Vers Syracuse et les abeilles et les vignes Tu retournes, suivant le vol vernal des cygnes, Cher hôte, informe-toi de celle que j'aimais. Reverrai-je ses yeux de sombre violette, Si purs, sourire au ciel natal qui s'y reflète Sous l'arc victorieux que tend un sourcil noir? Sois pitoyable! Pars, va, cherche Cléariste Et dis-lui que je vis encor pour la revoir. Tu la reconnaîtras, car elle est toujours triste.
The Slave
I, naked, squalid, loathsome, vilely fed, A slave - see how this flesh still bears the signs - Was free-born on that bay of noble lines Where honeyed Hybla preens her purple head. I left the happy isle! If ever, sir, Chasing the swans on their spring odysseys, You come to Syracuse, her vines and bees, Pray you, take note of her who was my dear. O shall I see those pure and violet eyes Reflect, and smile upon, their native skies, ’Neath the black eyebrows’ arch of victory? For pity’s sake, go tell Clearetê I live to see her. You will recognize My darling by her endless misery.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by José-Maria de Hérédia...

The Stranger

L’Étranger

René François Armand Sully-Prudhomme (1839-1907)

L’Étranger
Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ? Ton coeur ne trouve rien qui l'enchaîne ou ravisse, Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse : Il semble qu'un bonheur infini te soit dû. Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ? A quelle auguste cause as-tu rendu service ? Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice, Quelle est ta beauté propre et ta propre vertu ? A mes vagues regrets d'un ciel que j'imagine, A mes dégoûts divins, il faut une origine : Vainement je la cherche en mon coeur de limon ; Et, moi-même étonné des douleurs que j'exprime, J'écoute en moi pleurer un étranger sublime Qui m'a toujours caché sa patrie et son nom.
The Stranger
I often ask myself: What breed are you? Your heart remains unravished, unenslaved; There’s nothing that your thoughts and senses craved; Eternal happiness must be your due. And yet, what paradise did you forego? What worthy cause have you done service to? Confined to vice and squalor here below, What’s your own beauty and your own virtue? My longing for some heaven, my divine Uneasiness, must have some origin; I seek it vainly in my turbid heart. Amazed at my pathetic litany, I hear a noble stranger weep in me, Who won’t his country, or his name, impart.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by René François Armand Sully-Prudhomme...

The Secret

Le Secret

Armand Silvestre (1837-1901)

An ‘X’ (a graduate of the École Polytechnique), he was an Inspector of Finances, one of the highest officials in France. His drama Henry VIII was set to music by Saint–Saens, and a sacred stage work was set by Gounod. He wrote five illustrated volumes on the nude in art. Set to music by Fauré.
Le Secret
Je veux que le matin l'ignore Le nom que j'ai dit à la nuit, Et qu'au vent de l'aube, sans bruit, Comme une larme il s'évapore. Je veux que le jour le proclame L'amour qu'au matin j'ai caché, Et, sur mon coeur ouvert penché, Comme un grain d'encens il l'enflamme. Je veux que le couchant l'oublie Le secret que j'ai dit au jour, Et l'emporte, avec mon amour, Aux plis de sa robe pâlie!
The Secret
O may the morn never know it, the name that I spoke to the night: may it vanish mute as a tear-drop on the breeze of the early light. O may the noonday proclaim it, the love that I hid from the morn: may it light on my heart, laid open; may my heart like an incense burn. O may dusk forget my secret, forget what I told to the day: in its robe’s pale folds may it carry my love and my secret away.
Published in AGENDA Poetry & Opera 2014

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Armand Silvestre...

Testament

Set to music by Duparc.

Armand Silvestre (1837-1901)

Set to music by Duparc.
Pour que le vent te les apporte Sur l’aile noire d’un remord, J’écrirai sur la feuille morte Les tortures de mon coeur mort! Toute ma sève s’est tarie Aux clairs midis de ta beauté, Et, comme à la feuille flétrie, Rien de vivant ne m’est resté Tes yeux m’ont brulé jusqu’à l’âme, Comme des soleils sans merci! Feuille que le gouffre réclame, L’autan va m’emporter aussi ... Mais avant, pour qu’il te les porte Sur l’aile noire d’un remord, J’écrirai sur la feuille morte Les tortures de mon coeur mort!
Testament
For the wind to bring you On remorse’s black wing, On the dead leaf I’ll write My dead heart’s suffering. My sap is all withered In your beauty’s bright noon: Like the leaf that is faded My life is all gone. Cruel suns are your eyes, To my soul I am burned: A leaf to the chasm, Borne off by south wind. This, first, it shall bring you On remorse’s black wing: On the dead leaf I’ll write My dead heart’s suffering.
Published in AGENDA Poetry & Opera 2014

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Armand Silvestre...

Poème d’amour

Love Poem

Armand Silvestre (1837-1901)

Love Poem
Je veux que mon sang goutte à goutte Monte à ta lèvre lentement.1 Comme un flot limpide et calmant, De ton cœur il prendra la route. Bois-le : mon âme y sera toute Dans un suprême enivrement : Car le seul mal que je redoute, C’est de survivre à mon tourment.2 Bois-le sans honte et sans peurs vaines : Ce trésor sacré de mes veines, Toi seule pourras le tarir.3 Avec mon souffle, avec mon âme,4 Ce sang que ta bouche réclame, Bois-le ! – Car j’ai soif de mourir !
Poème d’amour
Drop by drop my blood must drip, Climbing slowly to your lip, Like a calm and limpid wave, To your heart: no less, I crave. Drink it: all my soul shall be In the height of ecstasy. My one dread, one injury: To survive my agony. Feel no shame: all fears are vain: These my vessels you shall drain: Yours, my sacred treasury. Drink my soul and drink my breath, Drink my blood, assuage your mouth. Drink it! For I thirst to die!
1. N. Boulanger écrit à tes lèvres 2. Vers répété par N. Boulanger 3. N. Boulanger répète d’abord deux fois Toi seule puis, en reprenant le vers, 3 fois. 4. N. Boulanger écrit Avec mon cœur, avec mon âme

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Armand Silvestre...

Let's watch, as on the silver lake

Allons voir sur le lac d'argent

Armand Silvestre (1837-1901)

Allons voir sur le lac d'argent
ENSEMBLE Allons voir sur le lac d’argent Descendre la lune endormie. LUI Le miroir des eaux est changeant Moins que votre âme, mon amie. ELLE Rayon de lune est moins furtif Que peine d’amant n’est légère. LUI Ainsi mon chant doux et plaintif Ne te saurait toucher, bergère ? ELLE Amour d’homme est trop exigeant. LUI Pitié de femme est toujours brève. ENSEMBLE Allons voir sur le lac d’argent Descendre la lune en son rêve.
Let's watch, as on the silver lake
BOTH Let’s watch, as on the silver lake The sleeping moon descends. HE The mirror of the waters changes Less than your heart, my love. SHE The moonbeam is less furtive Than lover’s pain is light. HE Could my song, soft and plaintive, Not touch you, shepherdess? SHE Man’s love is too demanding. HE Brief always, woman’s pity. BOTH Let’s watch, as on the silver lake The dreaming moon descends.
Duet: music by Nadia Boulanger: https://www.youtube.com/watch?v=6mVjwFSexKQ .

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Armand Silvestre...

Categories
French

Chill Out, My Sorrow

Charles Baudelaire (1821-67)

Recueillement
without using “e”

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici;
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul trainant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Chill out, my sorrow: play it cool: calm down:
You said night ought to fall; you got your way.
Twilight cuts in: dusk sinks upon our town,
Doling out consolation or dismay.
Lust cracks his whip, that hangman void of pity;
Most of humanity, a vulgar throng,
Will wallow, and will blush for doing wrong.
My sorrow, hold my hand: now, quit this city:
Stand by. A rack of gowns that could not last,
Lining an upstairs rail: that is our past:
Smiling contrition in salt surf is born;
Sunlight is fading, dying in an arch.
Think of a long shroud trailing off to dawn:
Hark, darling! Night kicks into forward march.

Translation: Copyright © Timothy Adès

More poems by Charles Baudelaire...