The Slave

L’ESCLAVE

José-Maria de Hérédia (1842-1905)

L’ESCLAVE
Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets, Esclave, - vois, mon corps en a gardé les signes, - Je suis né libre au fond du golfe aux belles lignes Où l'Hybla plein de miel mire ses bleus sommets. J'ai quitté l'île heureuse, hélas! ... Ah! si jamais Vers Syracuse et les abeilles et les vignes Tu retournes, suivant le vol vernal des cygnes, Cher hôte, informe-toi de celle que j'aimais. Reverrai-je ses yeux de sombre violette, Si purs, sourire au ciel natal qui s'y reflète Sous l'arc victorieux que tend un sourcil noir? Sois pitoyable! Pars, va, cherche Cléariste Et dis-lui que je vis encor pour la revoir. Tu la reconnaîtras, car elle est toujours triste.
The Slave
I, naked, squalid, loathsome, vilely fed, A slave - see how this flesh still bears the signs - Was free-born on that bay of noble lines Where honeyed Hybla preens her purple head. I left the happy isle! If ever, sir, Chasing the swans on their spring odysseys, You come to Syracuse, her vines and bees, Pray you, take note of her who was my dear. O shall I see those pure and violet eyes Reflect, and smile upon, their native skies, ’Neath the black eyebrows’ arch of victory? For pity’s sake, go tell Clearetê I live to see her. You will recognize My darling by her endless misery.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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The Stranger

L’Étranger

René François Armand Sully-Prudhomme (1839-1907)

L’Étranger
Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ? Ton coeur ne trouve rien qui l'enchaîne ou ravisse, Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse : Il semble qu'un bonheur infini te soit dû. Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ? A quelle auguste cause as-tu rendu service ? Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice, Quelle est ta beauté propre et ta propre vertu ? A mes vagues regrets d'un ciel que j'imagine, A mes dégoûts divins, il faut une origine : Vainement je la cherche en mon coeur de limon ; Et, moi-même étonné des douleurs que j'exprime, J'écoute en moi pleurer un étranger sublime Qui m'a toujours caché sa patrie et son nom.
The Stranger
I often ask myself: What breed are you? Your heart remains unravished, unenslaved; There’s nothing that your thoughts and senses craved; Eternal happiness must be your due. And yet, what paradise did you forego? What worthy cause have you done service to? Confined to vice and squalor here below, What’s your own beauty and your own virtue? My longing for some heaven, my divine Uneasiness, must have some origin; I seek it vainly in my turbid heart. Amazed at my pathetic litany, I hear a noble stranger weep in me, Who won’t his country, or his name, impart.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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The Secret

Le Secret

Armand Silvestre (1837-1901)

An ‘X’ (a graduate of the École Polytechnique), he was an Inspector of Finances, one of the highest officials in France. His drama Henry VIII was set to music by Saint–Saens, and a sacred stage work was set by Gounod. He wrote five illustrated volumes on the nude in art. Set to music by Fauré.
Le Secret
Je veux que le matin l'ignore Le nom que j'ai dit à la nuit, Et qu'au vent de l'aube, sans bruit, Comme une larme il s'évapore. Je veux que le jour le proclame L'amour qu'au matin j'ai caché, Et, sur mon coeur ouvert penché, Comme un grain d'encens il l'enflamme. Je veux que le couchant l'oublie Le secret que j'ai dit au jour, Et l'emporte, avec mon amour, Aux plis de sa robe pâlie!
The Secret
O may the morn never know it, the name that I spoke to the night: may it vanish mute as a tear-drop on the breeze of the early light. O may the noonday proclaim it, the love that I hid from the morn: may it light on my heart, laid open; may my heart like an incense burn. O may dusk forget my secret, forget what I told to the day: in its robe’s pale folds may it carry my love and my secret away.
Published in AGENDA Poetry & Opera 2014

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Testament

Set to music by Duparc.

Armand Silvestre (1837-1901)

Set to music by Duparc.
Pour que le vent te les apporte Sur l’aile noire d’un remord, J’écrirai sur la feuille morte Les tortures de mon coeur mort! Toute ma sève s’est tarie Aux clairs midis de ta beauté, Et, comme à la feuille flétrie, Rien de vivant ne m’est resté Tes yeux m’ont brulé jusqu’à l’âme, Comme des soleils sans merci! Feuille que le gouffre réclame, L’autan va m’emporter aussi ... Mais avant, pour qu’il te les porte Sur l’aile noire d’un remord, J’écrirai sur la feuille morte Les tortures de mon coeur mort!
Testament
For the wind to bring you On remorse’s black wing, On the dead leaf I’ll write My dead heart’s suffering. My sap is all withered In your beauty’s bright noon: Like the leaf that is faded My life is all gone. Cruel suns are your eyes, To my soul I am burned: A leaf to the chasm, Borne off by south wind. This, first, it shall bring you On remorse’s black wing: On the dead leaf I’ll write My dead heart’s suffering.
Published in AGENDA Poetry & Opera 2014

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Poème d’amour

Love Poem

Armand Silvestre (1837-1901)

Love Poem
Je veux que mon sang goutte à goutte Monte à ta lèvre lentement.1 Comme un flot limpide et calmant, De ton cœur il prendra la route. Bois-le : mon âme y sera toute Dans un suprême enivrement : Car le seul mal que je redoute, C’est de survivre à mon tourment.2 Bois-le sans honte et sans peurs vaines : Ce trésor sacré de mes veines, Toi seule pourras le tarir.3 Avec mon souffle, avec mon âme,4 Ce sang que ta bouche réclame, Bois-le ! – Car j’ai soif de mourir !
Poème d’amour
Drop by drop my blood must drip, Climbing slowly to your lip, Like a calm and limpid wave, To your heart: no less, I crave. Drink it: all my soul shall be In the height of ecstasy. My one dread, one injury: To survive my agony. Feel no shame: all fears are vain: These my vessels you shall drain: Yours, my sacred treasury. Drink my soul and drink my breath, Drink my blood, assuage your mouth. Drink it! For I thirst to die!
1. N. Boulanger écrit à tes lèvres 2. Vers répété par N. Boulanger 3. N. Boulanger répète d’abord deux fois Toi seule puis, en reprenant le vers, 3 fois. 4. N. Boulanger écrit Avec mon cœur, avec mon âme

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Let's watch, as on the silver lake

Allons voir sur le lac d'argent

Armand Silvestre (1837-1901)

Allons voir sur le lac d'argent
ENSEMBLE Allons voir sur le lac d’argent Descendre la lune endormie. LUI Le miroir des eaux est changeant Moins que votre âme, mon amie. ELLE Rayon de lune est moins furtif Que peine d’amant n’est légère. LUI Ainsi mon chant doux et plaintif Ne te saurait toucher, bergère ? ELLE Amour d’homme est trop exigeant. LUI Pitié de femme est toujours brève. ENSEMBLE Allons voir sur le lac d’argent Descendre la lune en son rêve.
Let's watch, as on the silver lake
BOTH Let’s watch, as on the silver lake The sleeping moon descends. HE The mirror of the waters changes Less than your heart, my love. SHE The moonbeam is less furtive Than lover’s pain is light. HE Could my song, soft and plaintive, Not touch you, shepherdess? SHE Man’s love is too demanding. HE Brief always, woman’s pity. BOTH Let’s watch, as on the silver lake The dreaming moon descends.
Duet: music by Nadia Boulanger: https://www.youtube.com/watch?v=6mVjwFSexKQ .

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Chill Out, My Sorrow

Charles Baudelaire (1821-67)

Recueillement
without using “e”

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici;
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul trainant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Chill out, my sorrow: play it cool: calm down:
You said night ought to fall; you got your way.
Twilight cuts in: dusk sinks upon our town,
Doling out consolation or dismay.
Lust cracks his whip, that hangman void of pity;
Most of humanity, a vulgar throng,
Will wallow, and will blush for doing wrong.
My sorrow, hold my hand: now, quit this city:
Stand by. A rack of gowns that could not last,
Lining an upstairs rail: that is our past:
Smiling contrition in salt surf is born;
Sunlight is fading, dying in an arch.
Think of a long shroud trailing off to dawn:
Hark, darling! Night kicks into forward march.

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Cats

Charles Baudelaire (1821-67)

Les Chats
without using “e”

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin;
Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Passion may burn, and scholarship may chill:
But, swains and savants, jointly doff your hats!
Lords of our roost, our puissant pussy-cats
Match you for craving warmth and sitting still.
Cats quarry facts and stalk voluptuous bliss,
Finding a dull or downright Stygian spot;
Cats could sign on as four-in-hand of Dis,
If cats could justify a minion’s lot.
A cat that’s sunk in thought looks proud and grand,
Grand as a big old sphinx, aloof and sprawling,
Down chasms of hypnotic fancy falling.
From loins prolific, sparks of magic flow;
And grains of gold-dust, smooth and small as sand,
In dark and mystic iris dimly glow.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Accords

Charles Baudelaire (1821-67)

Correspondances
without using “e”

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
– Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
This world’s a worship-hall: its columnry
Half-murmurs, on and off, a word or two;
Symbols grow thick and tall, as man walks through,
And watch him with familiarity.
A distant, long cacophony confounds
Its clangour in dark gulfs of harmony,
Monstrous as night, and vast as clarity:
A caucus of aromas, colours, sounds!
Fragrant as baby-limbs, mild odours waft
From rolling grasslands, ocarina-soft;
Or arrogant, triumphant, rich and high,
Far out, and growing to infinity,
Musk and patchouli, cinnamon, copal:
Transport and song of spirit, mind and soul.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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The Roses of Ispahan

Set to music by Fauré, and by Cui

Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-94)

Set to music by Fauré, and by Cui
Les roses d'Ispahan dans leur gaîne de mousse, Les jasmins de Mossoul, les fleurs de l'oranger Ont un parfum moins frais, ont une odeur moins douce, O blanche Leïlah ! que ton souffle léger. Ta lèvre est de corail, et ton rire léger Sonne mieux que l'eau vive et d'une voix plus douce, Mieux que le vent joyeux qui berce l'oranger, Mieux quel'oiseau qui chante au bord du nid de mousse. Mais la subtile odeur des roses dans leur mousse, La brise qui se joue autour de l'oranger Et l'eau vive qui flue avec sa plainte douce Ont un charme plus sûr que ton amour léger ! O Leïlah ! depuis que de leur vol léger Tous les baisers ont fui de ta lèvre si douce, Il n'est plus de parfum dans le pâle oranger, Ni de céleste arome aux roses dans leur mousse. L'oiseau, sur le duvet humide et sur la mousse, Ne chante plus parmi la rose et l'oranger ; L'eau vive des jardins n'a plus de chanson douce, L'aube ne dore plus le ciel pur et léger. Oh ! que ton jeune amour, ce papillon léger, Revienne vers mon coeur d'une aile prompte et douce, Et qu'il parfume encor les fleurs de l'oranger, Les roses d'Ispahan dans leur gaîne de mousse !
The Roses of Ispahan
Ispahan’s roses in lacing of moss, Mosuli jasmines and blooms of naranj: scent not more cool, nor a perfume more soft, Leilah the pale! for your sigh is more light. Your lip is coral, your laughter so light thrills living waters, its voice is more soft, thrills joyous breezes that lull the naranj, thrills the winged singer who nests in the moss. Yet the shy scent of the roses in moss, breezes that revel around the naranj, yet, living waters that murmur so soft: these charm more surely, your love is more light! Leilah! The hour that those fleeting and light kisses departed your red lips so soft, perfume has fled from the pallid naranj, heavenly scent from the rose in her moss. No more the bird in moist nest in the moss pours out her song to the rose and naranj, nor in the gardens does water sigh soft, nor does dawn’s gold touch the sky pure and light. Bring your young love, bring the butterfly, light, back to my heart on wings willing and soft; bathe with its perfume the blooms of naranj, Ispahan’s roses in lacing of moss.
Published online on Poetry Atlas

Translation: Copyright © Timothy Adès

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