Fantasio

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French

Fantasio

André Bellessort (1866-1942)

La mort t'ayant surpris en travesti de bal, Pauvre Fantasio, de folles jeunes filles Te firent un linceul de leurs blanches mantilles, Et tu fus enterré le soir du carnaval. Sous un léger brouillard du ciel occidental Le mardi gras folâtre éparpillait ses trilles, Et ton glas, voltigeant sur de lointains quadrilles, Détachait dans la nuit ses notes de cristal. Des coins du corbillard le feu des girandoles Éclairait tout un chœur d'étranges farandoles. Nul n'avait pris le temps de revêtir le deuil. Ta rieuse maîtresse avait gardé son masque Et tous faisaient jouer derrière ton cercueil Une marche funèbre à leurs tambours de basque.
Fantasio
Death caught you costumed for the fancy ball. Giddy young women (Poor Fantasio!) lent you their white mantillas for a pall: they buried you, that night of carnival. In the slight vapour of the western sky mad Mardi Gras went frittering its trills; Your death-knell pranced on faraway quadrilles, etched on the night its crystal threnody. The flames of candelabra round the bier lit dancers reeling in an eerie choir. No-one had paused to dress in mourning-gear. Your laughing mistress kept her mask, and all followed your corse and, played, Fantasio, on tambourines, a march funereal.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Christmas, Resigned

NOËL RÉSIGNÉ

Jules Laforgue (1860-87)

NOËL RÉSIGNÉ
Noël! Noël! toujours, sur mes livres, je rêve. Que de jours ont passé depuis l’autre Noël! Comme toute douleur au cœur de l’homme est brève. Non, je ne pleure plus, cloches, à votre appel. Noël! triste Noël! En vain la bonne chère S’étale sous le gaz! il pleut, le ciel est noir, Et dans les flaques d’eau tremblent les réverbères Que tourmente le vent, un vent de désespoir. Dans la boue et la pluie on palpe des oranges, Restaurants et cafés s’emplissent dans le bruit, Qui songe à l’éternel, à l’histoire, à nos fanges? Chacun veut se gaver et rire cette nuit! Manger, rire, chanter, — pourtant tout est mystère - Dans quel but venons-nous sur ce vieux monde, et d’où? Sommes-nous seuls? Pourquoi le Mal? Pourquoi la Terre? Pourquoi l’éternité stupide? Pourquoi tout? Mais non! mais non, qu’importe à la mêlée humaine? L’illusion nous tient! — et nous mène à son port. Et Paris qui mourra faisant trêve à sa peine Vers les cieux éternels braille un Noël encor.
Christmas, Resigned
Nowell! Nowell! At my books, I am dreaming on! How many days have passed since the last Nowell! How brief is every grief in the heart of man. No, I no longer weep at the tolling bell. Christmas! Sad Christmas! The sky is rainy and black. Good cheer spreads large to no purpose under the gas. Reflected in puddles of water, the street-lamps shake, Abused by the wind, a wind of hopelessness. In the mud and the rain there are oranges to squeeze. Who thinks of our filth, of history and the hereafter? Cafés and restaurants wrap themselves up in the noise. What people want tonight is guzzling and laughter. Eat, laugh, and sing – yet all is in mystery furled… From where, and for what, do we come to this old round ball? Are we alone? Why Evil? Why the world? Why idiotic Eternity? Why all? But no, no! What is all that to the tumult of man? We are gripped by illusion, it brings us safe to its shore, And Paris the moribund, calling a truce with her pain, Shouts into the ageless skies one Christmas more.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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The Bean

La fève

Maurice Donnay (1859-1945)

On Twelfth Night, the French enjoy 'la galette des Rois', a flat cake of almond paste (frangipane) containing a 'bean'. The person who gets the bean wears the crown.
La fève
Tu nous dindonneras encor plus d'une fois, Chère âme, et près des tiens nos moyens sont infimes. Je me souviens toujours d'un dîner que nous fîmes, Un beau soir, dans Auteuil, à la porte du Bois Et tu faisais de l'œil à ton voisin de face, Et tu faisais du pied à tes deux amoureux A gauche, à droite, et ton amant était heureux, Car tu lui souriais tout de même avec grâce. Ah ! tu n'es pas la femme aux sentiments étroits Qu'une fidélité trop exclusive gêne. Entre tous, Pierre, Jean, Jacques, Alphonse, Eugène, Tu partages ton cœur comme un gâteau des Rois. Et, si grand est ton art, aimable fille d’Ève, Que chacun se croit seul à posséder la fève.
The Bean
You’ll stitch us up again, and more than once, Dear soul: compared to you, we haven’t got the means. I can’t forget that dinner one fine night: we were Out in Auteuil, just where you get into the Bois. To the sitting-opposite guy, you gave the eye, Played footy-foot with the two who fancied you, To left and right; your lover was in clover, As you anyway gave him a smile with lovely style. You’re not a woman prone to narrow sentiments, Whom high fidelity might inconvenience. Between all these, John, Peter, James, Eugene, Alphonse, You share your heart out like a Twelfth Night frangipane. And so great is your art, delightful feminine, That each one thinks himself sole owner of the bean.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Versailles

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French

Versailles

Albert Samain (1858-1900)

Grand air. Urbanité des façons anciennes. Haut cérémonial. Révérences sans fin. Créqui, Fronsac, beaux noms chatoyants de satin. Mains ducales dans les vieilles valenciennes, Mains royales sur les épinettes. Antiennes Des évêques devant Monseigneur le Dauphin. Gestes de menuet et cœurs de biscuit fin; Et ces grâces que l’on disait autrichiennes… Princesses de sang bleu, dont l’âme d’apparat, Des siècles, au plus pur des castes macéra. Grands seigneurs pailletés d’esprit. Marquis de sèvres; Tout un monde galant, vif, brave, exquis et fou, Avec sa fine épée en verrouil, et surtout Ce mépris de la mort, comme une fleur, aux lèvres!
Versailles
Grandeur. Old fashions and their polished grace. High ceremony. Endless curtseying. Exalted names in satin shimmering. Hands ducal edged with antique Flanders lace, Hands royal on spinets. Antiphonies of bishops for Monseigneur le Dauphin, minuet gestures, hearts of biscuit fin, the so-called Austrian urbanities… princesses of blue blood, their dignity steeped in a caste’s historic purity; great nobles graced with wit; fine swords in sheath; porcelain marquesses; a festival, choice, lively, brave, mad, gallant; above all, their lips wear, like a flower, that scorn of death!

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Cleopatra

Cléopâtre

Albert Samain (1858-1900)

Cléopâtre
Lourde pèse la nuit au bord du Nil obscur. Cléopâtre, à genoux sous les astres qui brûlent, Soudain pâle, écartant ses femmes qui reculent, Déchire sa tunique en un grand geste impur, Et dresse éperdûment sur la haute terrasse Son corps vierge gonflé d'amour comme un fruit mûr. Toute nue, elle vibre ! Et, debout sous l'azur, Se tord, couleuvre ardente, au vent tiède et vorace. Elle veut — et ses yeux fauves dardent l'éclair – Que le monde ait ce soir le parfum de sa chair ! O sombre fleur du sexe éparse en l'air nocturne… Et le Sphynx immobile aux sables de l'Ennui Sent un feu pénétrer son granit taciturne ; Et le désert immense a remué sous lui.
Cleopatra
Night weighs down heavy on the darkened Nile. Stars burn; pale Cleopatra kneels, and bares her breast: her women, shocked, recoil; she tears her tunic with a gesture grandly vile, and on the lofty terrace flaunts, entire, ripe as a love-blown fruit, her virgin form. She shimmers, nude, uncoiling to the warm devouring wind, a serpent of desire. Dark flower of sex, that rides the breeze of night! To pleasure her (the tawny eyes flash bright) the world shall now her fleshly perfume take… The Sphynx becalmed on ocean monotone feels under him the mighty desert wake, and thrill of fire invade his silent stone.
Published in ‘Cleopatra's Face: Fatal Beauty’ by Michelle Lovric, British Museum Press, 2001.

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Resting in Egypt

Le Repos En Egypte

Albert Samain (1858-1900)

Le Repos En Egypte
La nuit est bleue et chaude, et le calme infini… Roulé dans son manteau, le front sur une pierre, Joseph dort, le coeur pur, ayant fait sa prière; Et l’âne à ses côtés est comme un humble ami. Entre les pieds du Sphinx appuyée à demi, La Vierge, pâle et douce, a fermé la paupière; Et, dans l’ombre, une étrange et suave lumière Sort du petit Jésus dans ses bras endormi. Autour d’eux le désert s’ouvre mystérieux; Et tout est si tranquille à cette heure, en ces lieux Qu’on entendrait l’enfant respirer sous ses voiles. Nul souffle…La fumée immobile du feu, Mont ainsi qu’un long fil se perdre dans l’air bleu… Et le Sphinx éternel atteste les étoiles.
Resting in Egypt
The blue, hot night, the calm that has no end… Wrapped in his cloak, a stone beneath his head, Sleeps Joseph, pure in heart, his prayers said; The ass lies by him, like a humble friend. Between the Sphinx’s paws composed to rest, The Virgin, pale and sweet, has veiled her sight. The shadow glimmers with a strange, soft light: The infant Jesus sleeps upon her breast. The time and place are peaceful. Not a sound: Only the breathing of the babe. All round, The desert sands their mysteries unfold. The wind is still, the smoke climbs quietly, Like a long thread, to vanish in the sky; The timeless Sphinx bids all the stars behold.

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Un Deuil / Mourning (1916)

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French

Un Deuil / Mourning (1916)

Émile Verhaeren (1855-1916)

Elle eut trois fils; tous trois sont tombés à Boncelle. Le soir se fait. J’entends parler sa tendre voix. Un trop rouge soleil joue encor dans les bois, Mais la douceur de l’ombre est flottante autour d’elle. Bien que toute heure, hélas! lui soit une heure triste; Elle ne prétend pas renoncer au malheur Dont est lasse sa chair, mais dont est fier son cœur Et dont la clarté belle, en ses larmes, persiste. Et je la vois là–bas qui de sa lente main Cueille, pour ses trois morts, trois fleurs dans le chemin Et mon âme s’emplit de joie involontaire À voir marcher ce deuil bienfaisant sur la terre. From Les Ailes Rouges de la Guerre
Un Deuil / Mourning (1916)
She had three sons. Boncelle undid them all. I hear her soft voice speak, as shadows fall. Long the red sunset in the woods has played, Yet round her floats the mildness of the shade. Though all her hours are hours of wretchedness, She guards, for all her flesh’s weariness, A heart that treasures up this tragedy, And tears that shine with its nobility. I see her slowly plucking in the lane Three flowers for her three dear fallen men: My soul rejoices, as it surely would, To see this grief go forth, a force for good.

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Premieres Aéroplanes

From Les Ailes Rouges de la Guerre

Émile Verhaeren (1855-1916)

From Les Ailes Rouges de la Guerre
Les roses de l’été — couleur, parfum et miel — Peuplent l’air diaphane; Mais la guerre parsème effrayamment le ciel De grands aéroplanes. Ils s’envolent si haut qu’on ne les entend pas Vrombir dans la lumière Et que l’ombre qu’ils allongent de haut en bas S’arrête avant la terre. L’aile courbe et rigide et le châssis tendu, Ils vont, passent et rôdent, Et promènent partout le danger suspendu De leur brusque maraude. Ceux des villes les regardant virer et fuir Ne distinguent pas même Sur leur avant d’acier ou sur leur flanc de cuir Leur marque ou leur emblème. On crie, — et nul ne sait quelle âme habite en eux, Ni vers quel but de guerre Leur vol tout à la fois sinistre et lumineux Dirige son mystère. Ils s’éloignent soudain dans la pleine clarté, Dieu sait par quelle voie, En emportant l’affre et la peur de la cité Pour butin et pour proie.
Premieres Aéroplanes
Honey, colours, aromas of roses of summer: Bright breeze’s refrains. But war sows the sky with the fearsome yammer Of great aeroplanes. They fly up so high and they thrum in the light Yet we hear no sound And their shadow stretching down from a height Never reaches the ground. With chassis outstretched, with curved rigid wing They circle and prowl, And wherever they go they hang threatening With their evil patrol. City people watching them scamper and wheel Cannot even descry On their leather flank or their nose of steel An identity. Though we shout, no–one knows who is riding unseen, Or to what warlike ends The luminous flight of the hellish machine Inscrutably tends. And all at once in broad daylight they’ve fled, God knows by which way, Making off with the city’s terror and dread, Their booty, their prey. Published in Agenda 2014.

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Les Rois

The Kings

Émile Verhaeren (1855-1916)

The Kings
C’est une troupe de gamins Qui porte la virevoltante étoile De toile Au bout d’un baton vain. Le vieux maître d’école Leur a donné congé; L’hiver est blanc, la neige vole, Le bord du toit en est frangé. Et par les cours, et par les rues, Et deux par deux, et trois par trois, Ils vont chantant avec des voix Qui muent, Tantôt grêles, tantôt fortes, De porte en porte, La complainte du jour des Rois. « Avec leurs cœurs, avec leurs vœux, Toquets de vair, souliers de plumes, Collets de soie et longs cheveux, Et blancs comme est blanche l’écume, Faldera, falderie, Vierge Marie, Voici venir, sur leurs grands palefrois, Les bons mages qui sont des rois. » « Avec leurs cœurs, avec leurs vœux, Jambes rêches, tignasses rousses, Vêtement lâche en peaux de bœufs, Mais doux comme est douce la mousse Faldera, falderie, Vierge Marie, Voici venir, avec troupeaux et chiens Les vieux bergers qui ne sont rien. » « Avec leurs cœurs, avec leurs vœux, Sabots rouges, casquettes brunes, Mentons gercés et nez morveux Et froids comme est froide la lune Faldera, falderie, Vierge Marie, Voici venir, au sortir de l’école Ceux qui demandent une obole. » Et sur le seuil des torpides maisons, Non pas à flots, ni à foisons, Mais revêches et rarissimes, Comme si le cuivre craignait le froid, Sont égrenés, du bout des doigts, Les minimes centimes. Les gamins crient, Et remercient, Happent l’argent qui leur échoit; Et chacun d’eux, à tour de role, Et sur le front, et sur le torse, et les épaules Se trace, avec le sou, le signe de la croix.
Les Rois
An urchin troupe Waves the twirling star Of cloth at the top Of a lofty prop. Old schoolmaster grants A half-day off. Winter’s white, flakes dance, Snow fringes the roof. In courts and streets By twos and threes From door to door they sing With breaking voices hoarse or strong This day’s own ballad of the Kings. “With heartfelt goodwill-vows, Topknots of ermine, plumes on shoes, Silk collars, tresses, here we come, As pale as foam, Fal-lal, fal-lairy, Virgin Mary, On our high palfreys journeying, We kindly Wise Men, each a king.” “With heartfelt goodwill-vows And shaggy legs and russet wigs And shabby garb of hides of cows As soft as moss, Fal-lal, fal-lairy, Virgin Mary, Here we come with flocks and dogs, We the old shepherds, merest dross.” “With heartfelt goodwill-vows, Chins chapped, snot-nosed, Brown-capped, red clogs, Cold as the moon, Fal-lal, fal-lairy, Virgin Mary, Here we come from schoolroom door, For an obol, only a coin, no more.” And on the thresholds Of torpid households Not streaming, teeming But crabbed and sparse, – Perhaps the brass Shrinks from the cold? – Cold hands dispense Mean sous and cents. Urchins cry thanks, Snatch the sum thrown, And each in turn On brow, breast, shoulders with the coin Traces the cross.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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How Grim!

Si morne!

Émile Verhaeren (1855-1916)

Si morne!
Se replier toujours sur soi-même, si morne ! Comme un drap lourd, qu'aucun dessin de fleur n'adorne. Se replier, s'appesantir et se tasser Et se toujours, en angles noirs et mats, casser. Si morne ! et se toujours interdire l'envie De tailler en drapeaux l'étoffe de sa vie. Tapir entre les plis ses mauvaises fureurs Et ses rancœurs et ses douleurs et ses erreurs. Ni les frissons soyeux, ni les moires fondantes Mais les pointes en soi des épingles ardentes. Oh ! le paquet qu'on pousse ou qu'on jette à l'écart, Si morne et lourd, sur un rayon, dans un bazar. Déjà sentir la bouche âcre des moisissures Gluer, et les taches s'étendre en leurs morsures. Pourrir, immensément emmaillotté d'ennui ; Être l'ennui qui se replie en de la nuit. Tandis que lentement, dans les laines ourdies, De part en part, mordent les vers des maladies.
How Grim!
Always enfolding on oneself, how grim! Like unadorned non-floral heavy bedding, Enfolding, being weighted down, subsiding, Fragmenting into sharp points, black and dim. How grim! And to inhibit one’s desire Of cutting up life’s cloth in strips for banners, To hide within the folds one’s evil fires, One’s sorrows and one’s errors and one’s rancours. No silken shivers and no melting moire: The points of red-hot pins within one’s core, The packet pushed or shovelled to the floor, Grim, heavy, on a shelf in a bazaar. To sense the mould now acrid in the mouth, The sticky stains that spread from tooth to tooth, To rot, immensely swaddled in ennui, To be the ennui enfolded in the night, While slowly in the wool-warp’s devilry, Through everywhere, the worms of sickness bite.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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